Ingérences politiques au collégial: «c’est pour quand la récolte?»
Qu’aurait pensé le pédagogue français Pierre-Henri Bouchy (1818-1886) — un « remarquable oublié » sans la lettre — des ingérences répétées de la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, dans le cursus de certains cours au collégial ? Il les aurait dénoncées avant de se faire montrer la porte. Encore. Dehors, comme en 1846. Dehors, comme en 1854.
Si la Palestine du XIXe siècle avait été la Palestine d’aujourd’hui, l’abbé Bouchy — eh oui, l’abbé ! — en aurait certainement abordé les racines et les fruits avec ses élèves. Idem pour l’Ukraine, le mot en n, la transidentité, Trump et patati, Poutine et patata. Bouchy aurait fait fi des desiderata de la ministre Déry en demandant à ses élèves de se faire une tête par eux-mêmes.
Car c’est à la faveur du libéralisme intellectuel que Bouchy formait son credo public en invitant ses élèves à réfléchir aux enjeux du monde. Surtout, Pierre-Henri Bouchy avait confiance en ses élèves.
Petit rappel historique du parcours de ce merle blanc qui a marqué l’instauration de la liberté académique — encore fragile — au Québec.
Né à Metz, en France, Bouchy débarque au Séminaire de Québec en 1842 avec la ferme intention de diffuser les idées libérales qu’il a acquises lors de ses études à Paris. Le hic : le système d’éducation québécois est alors sous le joug de Mgr Ignace Bourget, ultramontain radical parmi les ultramontains. Bourget se mêle de tout et de rien, de tout surtout, et choisit les points et les virgules enseignés dans ses établissements scolaires.
L’abbé Bouchy se heurte inévitablement aux visées dogmatiques prônées par les bonzes d’une pédagogie uniformisée qui cherche à ne pas brouiller l’ordre social. Loin de prôner la censure des idées du siècle, le prof Bouchy invite ses élèves à l’expérience raisonnée, à la liberté de conscience, à l’autonomie intellectuelle, en soumettant leur jeune intelligence à des connaissances plurielles parfois réprimées par........
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