Si fatiguée de l’Amérique
Elle pleure dans nos rétroviseurs, tout en nous regardant toujours un peu de haut. Elle nous effraie avec ses murs, sa religiosité politisée, ses décrets, son grand amour des armes et son désamour du vulnérable. Elle nous dégoûte tout autant qu’elle nous envoûte encore, avec sa démesure, son narcissisme criard et son génie, mais plus que tout, elle nous épuise. Oh oui, « I’m so tired of you, America » aurait peut-être chanté Rufus Wainwright cette semaine, tandis que se produisait sur nos écrans un phénomène d’une ampleur désarmante, que seule l’Amérique peut générer. La vidéo de ce couple « pris en flagrant délit d’adultère » par la « kiss cam » d’un des concerts de Coldplay a provoqué une petite déferlante qui, au-delà du divertissement, révélait aussi les grandes incohérences de cette chère Amérique.
D’un côté, elle se montrait toute retournée, l’Amérique, avec son collet monté telle une vieille dame de l’ère victorienne, hurlant au scandale, invoquant des « codes de conduite » en matière d’éthique de travail et d’adultère, tout en offrant à la pauvre femme cocufiée un soutien sans pareil. Et de l’autre, elle nous faisait bien rire, avouons-le quand même, par ses mille et une parodies lancées sur les réseaux. Toute la semaine, mascottes, partisans filmés lors de parties de baseball et même, allons-y, couples de chiens nous auront tour à tour offert leur version de cette « chorégraphie de la honte ».
C’est qu’ils auront fourni, ce p.-d.g. et sa directrice des ressources humaines, par leur réaction assez infantile, une occasion de nous faire douter qu’il y a bien, oui, le mot « adulte », dans le mot « adultère ». Eux qui, juste avant, vivaient probablement ce qu’on désignerait comme leur « meilleure vie », comme tant de couples secrets, d’amants interdits, d’adultes consentants qui, au retour du congrès, du concert, du voyage d’affaires, rentrent chez........
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