Avant le ca$$h
Depuis quelques semaines (ou décennies, selon votre âge), on ne parle que d’argent, on ne s’intéresse qu’à l’argent et les prochaines élections seront menées par un banquier. Il n’y a qu’une seule lettre qui sépare le mot cash d’un crash, qu’une consonne qui résonne, qui gronde, un torrent vers sa chute.
Désolée du retard, mais je boycotte Netflix depuis deux mois (remember ?) et je viens de terminer en rafale l’excellente série québécoise Avant le crash, coécrite par le comédien Éric Bruneau et sa compagne Kim Lévesque-Lizotte, folle du roi à Tout le monde en parle à ses heures.
Bruneau y joue le rôle d’un banquier en investissements, tantôt décrocheur, tantôt loup lucide de la meute. Ce duo d’auteurs punchés se permet de citer du Erich Fromm, du Noam Chomsky et du Albert Jacquard dans les monologues de Marc-André (Bruneau), cynique et percutant au début et à la fin des épisodes. Je les ai tous retranscrits, c’est vous dire. Je vais m’en faire un fanzine en post-its à relire lorsque tout aura crashé pour vrai.
J’apprécie la critique du technocapitalisme débridé, de la vénalité de ces as de la finance, de l’évasion fiscale et du deal, des rapaces du cash, d’avocats qui ne servent à rien dans la hiérarchie des besoins sinon à berner leur prochain sur un mode létal et se planter des couteaux dans le dos entre eux, sans loyauté. Un mot : compétition.
Leur devise semble être : « Ou tu manges, ou tu te fais manger. » Ce thriller sociofinancier a été diffusé durant la pandémie ; il devient encore plus pertinent en 2025. « L’addiction à la richesse ? Comme une dopamine, pareil que la drogue ou l’alcool, dit Marc-André. Dans le cerveau, ça fait le même effet. C’est très bref, très intense, pis ça laisse un sentiment de vide après. Comme un toxicomane en manque de drogue. C’est pour ça qu’on débarque jamais de la roue. On n’a plus besoin de Dieu ou de culture pour se définir ; la seule chose qui nous définit, c’est l’argent. Ça nous donne accès à tout, pis ça nous donne notre puissance. »
J’ai déjà hâte à la 3e saison, comme une droguée de la dopamine par procuration.
L’avenir, dans lequel vivent les créatures dopaminergiques, est un monde fictif
Ce dont nous prévient le banquier Marc-André en fiction, on le retrouve en toutes lettres dans la réalité. Il n’y a qu’à lire le très enthousiaste message de notre premier ministre du Québec le 30 mars dernier , en visite en Allemagne pour conclure des « deals » ou « diversifier nos marchés ».
Le pep-talk de © Le Devoir
