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Des pharmaciens mis au ban pour avoir dispensé des médicaments à l’unité

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15.06.2025

Parce qu’ils dispensaient des médicaments à l’unité, Eliza Castagné et Antoine Prioux ont été sanctionnés par six mois d’interdiction d’exercer dont quatre avec sursis par la chambre de discipline de l’ordre des pharmaciens de Nouvelle-Aquitaine. Ils ont fait appel de cette décision jugée anachronique.

Une pratique et une sanction sont devenues le symbole de la résistance de deux pharmaciens dans le maquis du Limousin. Aux confins de la Nouvelle-Aquitaine, sur le plateau de Millevaches, deux officines sont en lutte, situées à 30 kilomètres l’une de l’autre. Leurs titulaires, Eliza Castagné et Antoine Prioux, sont ensemble dans la vie, comme dans leurs combats. Ils agissent pour faire advenir le modèle de la pharmacie de demain.

À la suite d’un article publié par un média d’investigation en mars 2024, qui s’intéressait aux pratiques avant-gardistes du couple, le président de l’ordre des pharmaciens de Nouvelle-Aquitaine a porté plainte. Principal fait reproché : avoir pratiqué la « dispensation à l’unité » (DAU) de médicaments hors cadre réglementaire. Le 30 avril dernier, le couperet est tombé : Eliza Castagné et Antoine Prioux ont été condamnés par la chambre disciplinaire du conseil de l’ordre des pharmaciens de Nouvelle-Aquitaine (CROP NA) à six mois d’interdiction d’exercer dont quatre avec sursis.

La sanction aurait dû s’appliquer dès ce 16 juin, en même temps, pour les deux titulaires d’officine. Heureusement pour leurs patients, le couple a fait appel de la décision, ce qui rend le jugement suspensif. « Cette décision du conseil de l’ordre est inacceptable, tempête Wilfried, un habitué. Si elle s’appliquait, je devrais me rendre à Ussel pour me procurer mes médicaments. Ici, il ne faut pas compter en kilomètres mais en temps… » Depuis Sornac, il faut compter près d’une heure de voiture pour atteindre la première pharmacie et en revenir. Portée au niveau du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens « la décision de l’appel ne sera pas rendue avant au moins deux ans », indique Antoine Prioux.

Sur le comptoir de l’unique officine de Bugeat, commune de près de 740 habitants, les feuilles de pétitions signées s’empilent. Eliza Castagné s’active dans sa réserve pour ranger ses stocks de médicaments. « Dès 2019, nous avons pris la décision avec Antoine de pratiquer la dispensation à l’unité. Il s’agissait de faire face à la pénurie de corticoïde, qui est l’un des médicaments les plus prescrits dans le cas de pathologies bénignes mais aussi de maladies chroniques graves », indique la trentenaire, cheveux relevés en chignon.

« C’était le seul moyen, pour nous, d’éviter une rupture d’accès aux soins dans un territoire rural déjà sous tension. » Son argumentaire trouve un écho au bout de la route sinueuse qui mène jusqu’à Sornac, où se trouve à plus de trente minutes l’officine tenue par son compagnon Antoine Prioux. « Nous avons pris à ce moment-là une décision qui relevait, selon nous, du bon sens, guidés aussi par notre éthique professionnelle et notre engagement pour une justice distributive et sociale sur notre territoire », complète-t-il.

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