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« Défendre le quartier face aux promoteurs » : à Belleville, les artistes luttent contre la gentrification pinceaux à la main

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01.06.2025

Pendant quatre jours, plus de 150 artistes installés sur la colline de l’est de Paris ont ouvert mi-mai leurs portes aux visiteurs. Une invitation à la flânerie au détour des rues et des cours fleuries, mais aussi une immersion dans le quotidien de ces créateurs précaires sur lesquels pèsent les appétits des promoteurs immobiliers, aiguisés par l’embourgeoisement du quartier.

À Belleville, des grappes de ballons multicolores volettent, suspendues aux portails des immeubles : signe qu’ici il est permis d’entrer sans frapper. Pendant quatre jours (du 15 au 18 mai), les visiteurs ont eu accès libre aux ateliers de 159 artistes et collectifs d’artistes du quartier parisien situé à cheval entre les 10e, 11e, 19e et 20e arrondissements. Portes ouvertes sur l’art sous toutes ses formes : peinture, sculpture, photographie, dessin, gravure, céramique, collage, installations, mosaïque… à travers des œuvres qui s’offrent au regard dans les fonds de cours et d’arrière-cours insoupçonnables.

Pendant cette déambulation printanière au parfum de lilas et de chèvrefeuille sur la colline à l’histoire éruptive, les échanges à bâtons rompus avec les hôtes des lieux n’en laissent pas moins deviner la toile de fond dramatique qui tend leur quotidien. Majoritairement précaires, ces créateurs sont réunis par l’association Ateliers d’artistes de Belleville – à l’initiative de ces journées portes ouvertes – autour de la lutte pour leur survie au sein d’un quartier dont l’identité multiculturelle et populaire est menacée par la gentrification.

C’est précisément par « envie de mixité » que Claire, directrice dans un bureau d’études en environnement, a élu domicile près du métro Couronnes. Ces portes ouvertes sont pour la visiteuse, croisée rue Francis-Picabia au cours de sa pérégrination, « un bon moyen de découvrir le quartier, ses talents, ses habitants ». Elle sort de l’atelier de Catherine Rauscher : « Tout ce qu’elle fait m’a parlé », confie la riveraine.

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Nous voilà donc à quelques pas de là, 18, rue de Tourtille, où l’on découvre une artiste dont la bouillonnante personnalité mérite autant le détour que les œuvres. « J’avais mon badge Palestine sur la chemise, mais mon compagnon m’a dit que ça ferait fuir le public ! », lance-t-elle en guise de salut au milieu de la petite foule dense de visiteurs qui jouent des coudes pour accéder aux sculptures et toiles de l’artiste, des représentations, pour la plupart sans titre, de silhouettes de gens « sans grade, sans gloire, sans fortune, sans décoration » peintes sur du carton gris.

« Il paraît que ce que je fais suscite des émotions », commente sobrement celle qui, dans une autre vie, fut caissière, puis maquettiste au journal « Révolution ». Verbe haut et gouaille à la Arletty, la peintre a posé ses toiles il y a plus de trente ans au fond de cette cour entourée de logements sociaux fraîchement rénovés avec la ferme intention de ne pas en bouger, ni de confier son destin aux mains de galeristes :........

© L'Humanité