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Mouvements de foule : comment les mathématiques peuvent éclairer ce phénomène complexe

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15.03.2025

Les mathématiques ont de multiples applications pratiques. Preuve en est, nous explique le chercheur Bertrand Maury, l’étude des mouvements de foule, dont la modélisation permet de comprendre les comportements sociaux individuels et collectifs, et leurs conséquences.

Par Bertrand Maury

Mathématicien tourné vers les applications, son intérêt pour le vivant l’a conduit vers les sciences sociales, les mouvements de foule, la propagation d’opinion sur les réseaux sociaux, et plus récemment vers les interactions avec la géographie. Il consacre une partie de ses travaux à la modélisation, qui consiste à formaliser mathématiquement des problématiques du monde réel, sans a priori sur les concepts ou techniques mathématiques à mettre en œuvre.

L’étude des mouvements de foule fait partie de ces domaines scientifiques que l’on pourrait qualifier de « réflexifs » : le chercheur s’attache à décrypter les mécanismes de phénomènes dont il est lui-même un acteur occasionnel. Ce positionnement assure un accès privilégié aux mécanismes individuels qui conditionnent le mouvement d’une personne au sein d’une foule, violant ce faisant la règle tacite qui impose une certaine distance entre le scientifique et son objet d’étude.

De fait, les premières tentatives de modélisation de mouvements de foule procédaient d’une certaine « externalisation ». Dans le modèle proposé en 1995 par le physicien allemand Dirk Helbing, un groupe de personnes est considéré comme un système d’entités en interaction, sur le modèle d’« objets » étudiés depuis des siècles : systèmes de planètes en interaction gravitationnelle, système de particules en interaction électromagnétique, mouvements de grains rigides…

La démarche scientifique pour décrire de tels systèmes est commune : on commence par identifier les principes qui conditionnent le mouvement d’une entité unique, et l’on cherche ensuite à préciser la manière dont les entités interagissent entre elles. Cette démarche aboutit à l’écriture d’un « modèle mathématique », ensemble d’équations portant sur les variables d’intérêt – ici, les positions des différentes entités – et dont la résolution exacte, ou approchée par calcul sur ordinateur, permet de « prévoir » la configuration future du système à partir d’une configuration initiale.

La transposition dans le monde social de ces principes est assez directe. Les variables sont les positions des individus dans une zone de l’espace, délimitée dans le cas des foules par des murs, des obstacles, des barrières, etc. Dans l’approche de Helbing évoquée précédemment, chaque individu est vu comme une particule physique d’une certaine masse sur laquelle s’exercent des forces.

En premier lieu, une force correspondant à sa tendance personnelle, son projet. Dans le cas d’une foule cherchant à évacuer une pièce, l’objectif est clair : sortir de la pièce au plus vite. La première force aura donc tendance à « attirer » les personnes vers la sortie. Il s’agit ensuite d’intégrer au modèle les interactions entre personnes.

Les mathématiques, clé du monde réel

Ces interactions sont de deux types. En premier lieu, deux personnes ne peuvent pas être au même endroit au même moment. Comme dans le cas........

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