Ces gouvernements qui ont survécu à l'inflation

Une boîte à outils pour dompter les prix, et gagner les élections

Par Isabella M. Weber, Foreign Affairs, 15 janvier 2025.

Professeure associée d'économie à l'université du Massachusetts, Amherst, et autrice de How China Escaped Shock Therapy : The Market Reform Debate.

Lors de l'élection présidentielle américaine de 2024, les Démocrates ont rejoint une série de gouvernements éliminés l'année dernière en raison d'une forte inflation. Leur défaite met en évidence que, lorsque les citoyens constatent que, sans qu’ils n’y soient pour rien, les biens dont ils ne peuvent se passer deviennent soudainement beaucoup plus chers, ils perdent confiance dans le système et se retournent contre le statu quo.

Parmi les autres gouvernements sanctionnés pour leur incapacité à gérer l'inflation, citons les conservateurs britanniques, balayés par le parti travailliste lors d'une élection écrasante, et le parti libéral-démocrate japonais, qui a enregistré le deuxième pire résultat électoral de son histoire. En Inde, le parti au pouvoir, le Bharatiya Jannat Party, a perdu sa majorité absolue au parlement, en partie à cause de la désaffection généralisée des électeurs pour l'économie, et ce malgré l'étranglement de la presse et les tentatives d'étouffement de l'opposition.

Une histoire oubliée

Les démocraties ne sont pas les seules à devoir faire face à la politique du prix des produits de base. Le parti communiste chinois a dû faire face à une forte contestation de son pouvoir lorsque les prix ont grimpé en 1988, entraînant le soulèvement de la place Tiananmen l'année suivante. Seule une répression brutale et une politique anti-inflationniste ambitieuse ont permis au parti de reprendre le contrôle.

Un fonctionnaire brésilien, pays à l'histoire mouvementée en matière d'inflation, m'a dit un jour : « Le chômage affaiblit les gouvernements ; l'inflation les tue ». Les empereurs romains de l'Antiquité craignaient la volatilité du prix des céréales, et savaient que leur pouvoir dépendait de sa stabilité. La Révolution française a suivi une période d'inflation. Enfin, le « Printemps arabe » a été déclenché par une flambée des prix des denrées alimentaires.

Jusqu'à récemment, la nature politiquement explosive de l'inflation avait été oubliée dans les pays riches. Elle était souvent considérée comme un problème affligeant les démocraties moins matures, ou les pays en développement. Pourtant, Donald Trump a triomphé en partie parce qu'il a montré aux électeurs qu'il comprenait leur détresse économique. Pour leur part, les Démocrates n'ont pas reconnu la profondeur de la crise, et ont hésité à adopter des politiques qui auraient pu alléger la pression sur les Américains ordinaires.

Les gouvernements peuvent agir

La défaite des Démocrates n'était pas inévitable. D'autres partis sortants ont réussi à remporter les élections de 2024 parce qu'ils ont pris des mesures allant au-delà de l'ajustement des taux d'intérêt pour lutter contre l'inflation, et parce qu'ils ont clairement communiqué à leur public ce qu'ils faisaient pour maintenir les prix à un niveau bas.

Les gouvernements mexicain et espagnol ont adopté des mesures audacieuses : contrôles des prix ; subventions ; réductions et augmentations d'impôts. Ces mesures ont contribué à freiner l'inflation. Elles ont également encouragé les partis au pouvoir à remporter la victoire et, dans le cas de l'Espagne, elles ont contribué à repousser les extrémistes de droite.

La politique de l'essentiel

Les prix de l'énergie, des denrées alimentaires de base, du logement, des transports et du fret ont tous augmenté après la pandémie de COVID-19. Les fermetures d'entreprises pendant la pandémie ont entraîné des réductions de production dans d'importants secteurs de matières premières, et des perturbations dans le transport maritime. Lorsque l'activité économique a repris, l'offre limitée a rencontré une forte demande et les prix ont grimpé en flèche.

Les entreprises opérant dans ces secteurs essentiels ont........

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