« Adieu à la croissance », par Jean Gadrey
« Adieu à la croissance », par Jean Gadrey
Dans ce livre, paru en 2015, l’économiste Jean Gadrey (né en 1943) procède au raisonnement suivant.
1. Le progrès technique a permis d’incroyables gains de productivité
Gadrey s’appuie sur le livre de Jean Fourastié (1907-1990), Les Trente Glorieuses, ou la révolution invisible (Fayard, 1979). Dans ce livre, Fourastié compare la situation du village de Douelle (Lot) à deux dates séparées entre elles de trente ans, 1946 et 1975.
Fourastié constate l’extraordinaire progression de la productivité, notamment dans l’agriculture :
« En 1975, les rendements des exploitations agricoles sont le triple de ce qu’ils étaient en 1946. Et comme le nombre de travailleurs à l’hectare est 4 fois plus faible, la productivité du travail agricole est douze fois plus élevée : en une heure de travail, l’agriculteur tire du sol douze fois plus de produit qu’en 1946 !
Ce fait presque incroyable ne s’explique ni par des différences dans la nature du sol ; ni par des différences climatiques. Il tient à la technique agronomique ; à l’utilisation de l’énergie mécanique (énorme utilisation de pétrole et d’électricité) ; de machines puissantes (40 forts tracteurs en 1975, contre 2 minables en 1946) ; d’engrais ; et grâce à la bonne sélection des plants et des semences. »
Ces très forts gains de productivité se produiront également dans l’industrie. Plus de productivité, c’est booocoup moins de travail humain utilisé pour produire la même quantité qu’auparavant. Ce sont donc des coûts de production qui s’effondrent.
Ce qui entraîne une forte baisse du prix des produits. Cette idée est tellement importante pour Fourastié, à juste titre, qu’il a, avec Béatrice Bazil publié un livre justement intitulé Pourquoi les prix baissent (Fayard, 1984). Cette baisse du prix des choses va avoir deux conséquences très importantes.
2. Moins d’agriculteurs, plus de comptables
La première, c’est la déformation de la structure de la population active. Comme les agriculteurs sont devenus 12 fois plus efficaces, il faut beaucoup moins d’agriculteurs pour produire les mêmes quantités qu’avant. En 1946, le village comptait 208 agriculteurs. En 1975, ils n’étaient plus que 53 !
Fourastié relate les changements intervenus en 30 ans :
« En 1946, les agriculteurs sont largement majoritaires, formant les trois quarts de la population active. Mais, en 1975, ils sont très minoritaires, ne représentant que 53 travailleurs sur les 215 personnes occupées dans le village. En 1975, le groupe dominant est celui du tertiaire : employés de bureau, salariés de la banque, administrations publiques, employés du commerce, commerçants, instituteurs. »
Mais le changement le plus important, c’est la hausse sans précédent, dans l’histoire de l’humanité, du niveau de vie.
3. Acheter un poulet : une heure de travail, ou une journée entière ?
En 1946, puisque la productivité agricole est très faible, cela a une double conséquence. D’abord, qui dit faible productivité dit faible salaire, puisque le salaire est avant tout déterminé par la productivité.
Ensuite, qui dit faible productivité dit prix élevé, puisque l’agriculteur est obligé de demander un prix suffisamment haut par unité produite afin que le produit total de sa vente de la journée lui assure un revenu total quotidien suffisant.
Les prix des biens basique sont alors incroyablement élevés, si on les........
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