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Quand la Guerre de l’indépendance américaine a frappé le Québec

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“À l’automne 1775, quelques mois seulement après le début de la Révolution américaine, les commandants américains Richard Montgomery et Benedict Arnold mènent des troupes rebelles vers le nord, depuis les Treize Colonies. Leur mission : s’emparer de la province de Québec, alors sous contrôle britannique.

La campagne américaine dans la Belle Province dure plusieurs mois et comprend une série d’affrontements menés par de grandes figures historiques. Elle atteint son point culminant le 31 décembre 1775, lorsque, aux premières heures du matin — au cœur d’une violente tempête de neige —, les Américains lancent leur assaut contre la ville de Québec.

Dans cet épisode, Philipp Portelance, doctorant à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université de Heidelberg, en Allemagne, spécialisé en histoire militaire, nous aide à reconstituer la décisive bataille de Québec du 31 décembre 1775. Ensuite, Luc Nicole-Labrie, coordonnateur à la médiation historique pour la Commission des champs de bataille nationaux, se joint à nous pour explorer en profondeur la campagne militaire américaine dans la province de Québec.”

Écoutez l’épisode :

Ariane Simard Côté 00:01 – Nous sommes le 31 décembre 1775, et nous nous trouvons sur les plaines d’Abraham. Le soleil ne s’est pas encore levé, et le froid mord, le vent coupe, la neige tombe à gros flocons.

Mais malgré ces conditions rudes, environ mille soldats américains—des rebelles venus des treize colonies—se préparent. Ils ajustent leur équipement, ils chargent leurs fusils, ils se rendent en colonnes. Dans quelques minutes à peine, ils lanceront une attaque historique : l’invasion de Québec.

Bienvenue à Voyages dans l’histoire canadienne, un balado qui décortique les moments marquants — et parfois les vérités dérangeantes — de l’histoire de notre pays.

Ce balado est financé par Patrimoine canadien et produit par The Walrus Lab. Je suis votre animatrice, Ariane-Li Simard-Côté. Cet épisode souligne le 250e anniversaire de l’invasion de Québec, survenue durant la guerre d’indépendance des États-Unis.

Ariane Simard Côté: Ça fait déjà quelques semaines que les troupes américaines campent sur les plaines d’Abraham. Elles sont dirigées par deux commandants : le général Richard Montgomery, qui, en novembre 1775, a réussi à prendre le contrôle de Montréal, et le colonel Benedict Arnold, arrivé sur les plaines après une expédition éprouvante à travers ce qui correspond aujourd’hui à l’État du Maine.

Philipp Portelance: Arnold, finalement, est arrivé à peu près 650 hommes. Il va être renforcé par environ un 400 hommes, 3 à 400 hommes de Montgomery. Donc, si on parle, environ d’à peu près 1000 Américains maximum.

Ariane Simard Côté: Philipp Portelance est doctorant à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université de Heidelberg, en Allemagne, où il se spécialise en histoire militaire. Il est également directeur général des Anciennes Troupes Militaires de Montréal, un organisme qui a comme but de promouvoir les connaissances sur le patrimoine militaire au Québec.

Philipp Portelance: Les défenseurs, au même moment, sont proches de 1200 normalement aussi. Donc, quand on attaque une place forte, on considère qu’il faut au moins avoir 1,5 fois le nombre d’hommes qui défendent. Donc, on voit que là, les Américains sont en infériorité numérique de base et, en plus, justement, ils ont des défenseurs.

Ariane Simard Côté: En plus des 1 200 soldats britanniques retranchés dans la ville, environ 600 miliciens et marins sont prêts à défendre Québec, portant le nombre de défenseurs à environ 1 800 hommes et accentuant encore davantage l’infériorité numérique des rebelles.
Autrement dit, les conditions ne sont pas favorables à la réussite américaine.

Philipp Portelance: Dès le 5 décembre 1775, il y a le médecin Isaac Senter, qui fait partie des troupes d’Arnold, qui mentionne que le nombre de malades commençait à être considérable et va l’être de plus en plus. Donc, effectivement, c’est quelque chose qui est important. En fait, les troupes américaines sont très indisciplinées. C’est une armée qui vient de se former un peu ad hoc, de milice. Donc, c’est des gens qui, en plus, veulent se battre pour la liberté, le fait d’être nécessairement super contrôlés, c’est pas quelque chose qu’ils apprécient. D’où le fait que leur expiration, leur engagement, s’en vient, et si on reste plus longtemps, ils voient ça comme l’esclavage.

Ariane Simard Côté: Effectivement, la majorité des contrats d’engagement des miliciens américains expire le 31 décembre 1775, c’est-à-dire aujourd’hui même. Mais si les rebelles réussissent à prendre Québec, il y a de fortes chances que les troupes acceptent de renouveler leurs contrats. Pour les généraux Montgomery et Arnold, le temps presse…

Philipp Portelance: C’est beaucoup de choses, en fait, qui font que cette armée-là, en même temps, veulent se battre. Parce qu’il y a beaucoup de Canadiens aussi qui sont dans cette armée américaine à ce moment-là, il y a un régiment canadien qui a été formé. Et ce régiment-là, justement, eux, ils veulent se battre, ils veulent jeter les Anglais dehors. C’est aussi Québec, dans le fond, la dernière chose, les Anglais qui restent.

Donc, même si cette troupe-là, le matin même, disons, est pas dans le meilleur des états, quand même, il y a beaucoup de volonté, veux, veux pas, parce qu’on se dit : c’est un dernier push, puis quand on va être à Québec, il va y avoir de la bouffe, on va avoir des habits chauds, on va avoir du bois pour le chauffage, on va être bien installés pour l’hiver.

Ariane Simard Côté: Le temps n’est peut-être pas de leur côté, mais Montgomery et Arnold croient que la météo l’est. Une tempête fait rage, la neige tombe en rafales, et les généraux sont convaincus que ça pourrait jouer en leur faveur.

Philipp Portelance: On décide d’attaquer pendant un blizzard parce que justement, comme je mentionnais, c’est à peu près un millier d’hommes qui ne sont pas dans le meilleur des états, alors qu’on se bat contre plus de défenseurs, on se dit bon, ben si on attaque dans un blizzard, on pourrait potentiellement les prendre par surprise. Parce que ce qu’on décide justement ce matin-là, c’est de prendre Québec par un coup de main, comme on appelle un coup de main.

En fait, c’est de prendre une ville sans l’assaut de canons. C’est comme ça que c’est en fait décrit à l’époque, et on se dit justement que le blizzard va nous permettre de nous approcher le plus près des murailles sans qu’on se fasse voir, et potentiellement aussi que la garnison va même dormir ou justement se réfugier aussi. Donc c’est ça l’idée.

Ariane Simard Côté: Par contre, attaquer en pleine tempête de neige présente aussi des désavantages.

Philipp Portelance 04:32 – C’est assez difficile, l’approche, ce qui fait que certaines des attaques, justement, qui ne se passeront pas, qui sont supposées arriver, même chose, transmettre des ordres, c’est beaucoup plus difficile. Déjà à l’époque, c’était difficile de transmettre des ordres sur le champ de bataille, donc on s’imagine, dans une tempête de neige, encore moins facile.

Et également, Arnold et ses hommes étaient supposés transporter un canon avec eux, qui leur aurait probablement donné du succès s’ils avaient eu un canon, mais même chose, à cause de la neige, ils ont été forcés de l’abandonner. Donc, ils n’ont pas cette pièce de 6 livres avec eux.

Ariane Simard Côté: Et alors, à quatre heures du matin, sous la neige et le vent, les Américains se divisent en trois colonnes et commencent leur approche vers la ville.

Philipp Portelance: Il y a justement celle qui, pour les Américains, serait le flanc gauche, qui est menée justement par Arnold. En traversant le faubourg Saint-Roch avec deux bataillons du Massachusetts et les fameux Riflemen de Morgan, qui sont de Pennsylvanie et de Virginie.

Au centre, c’est supposé être une attaque de diversion. L’idée est justement d’amener des défenseurs, comme on sait qu’ils sont plus ailleurs. Donc, c’est notamment les régiments de Boston et celui des Canadiens qui sont supposés faire une attaque divisionnaire au centre, sur la porte Saint-Jean.

Et un des problèmes, notamment, c’est qu’eux autres, à cause, justement, qu’il y a autant de neige, finalement, ne vont jamais se rendre aux portes. Et c’est une des raisons que, justement, les troupes du centre vont être capables d’être envoyées ailleurs. Et, effectivement, sur leur flanc droit, c’est justement le général Montgomery avec ses quatre bataillons de New York.

Ariane Simard Côté: Montgomery et ses troupes avancent par la petite baie de l’Anse-au-Foulon, longeant le Saint-Laurent pour contourner le Cap au Diamant. Lorsqu’ils sont prêts, ils lancent des fusées éclairantes dans le ciel pour signaler aux deux autres colonnes que l’assaut peut commencer.

Philipp Portelance: L’heure d’après, donc à partir de 5 h zéro du matin environ. C’est là que justement Montgomery et ses hommes arrivent. Il y a une première barricade qui a été érigée. On décide donc de la couper. On va couper les rondins. Même Montgomery se met de la partie. On réussit à les tasser. On arrive à une deuxième barricade. Mais c’est à ce moment là aussi qu’un bloc pousse un blockhouse. Un blockhouse c’est une sorte de tour de garde, on pourrait dire complètement en bois, donc très simple comme fortifications, mais le but c’est simplement d’être un genre de tour de garde. Mais à l’intérieur de ce blockhouse, il y a des petits canons.

Et ces petits canons vont tirer sur les troupes de Montgomery de la mitraille. La mitraille, c’est dans le fond, si les gens connaissent Pirates des Caraïbes, ils ont mis plein de choses dans le canon. C’est un peu similaire, c’est juste plus militaire. Donc on a mis plein de balles. Les Britanniques même. C’est des balles quand même assez grosses en fer. Donc c’est ce coup là justement fatal qui touche Montgomery, notamment à la tête et le tue, ce qui fait que ces troupes vont se retirer.

Philipp Portelance 07:08 – Au même moment, en fait, les troupes d’Arnold commencent à se faire tirer dessus. Lui, il arrive justement par les quais proches de la première barricade, mais il va être capable de prendre la première barricade. Au même moment aussi, de l’autre bord, la rivière Saint-Charles, donc au bord de Québec, il y avait aussi d’autres troupes qui étaient supposées joindre, rejoindre Arnold, mais encore une fois, à cause de la tempête, eux, ça leur a pris du temps de comprendre que l’attaque avait commencé. Difficile avec les communications à l’époque, donc on commence à traverser beaucoup plus tard.

Ça, c’est un autre truc qui est quand même assez important dans l’attaque. Si ses troupes-là avaient été là déjà plus tôt pour rejoindre les troupes d’Arnold, peut-être que cette force-là aurait été assez pour prendre Québec.

Ariane Simard Côté: Entre 5 h et 6 h du matin, les mouvements d’Arnold et de ses hommes sont détectés. Des tirs de mousquets et de canons britanniques s’abattent sur eux depuis les remparts. Soudain, un coup de canon retentit, et Arnold est frappé à la jambe. Les tendons d’Achille presque arrachés, le colonel ne peut plus avancer. Ses hommes le traînent hors du champ de bataille, et le commandant Daniel Morgan prend alors la relève.

Philipp Portelance: Il y a son second, Morgan, qui devient le commandant à ce moment-là. Lui, quand même, son assaut se passe assez bien, on réussit à prendre la première barricade. On arrive à la deuxième qui, à ce........

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