Les 100 ans d’Oscar Peterson : le coeur du jazz canadien
Dans cet épisode de Voyages dans l’histoire canadienne, nous plongeons dans la vie, la musique et l’héritage du légendaire pianiste de jazz Oscar Peterson, à l’occasion de ce qui aurait été son 100e anniversaire. Le pianiste de jazz Taurey Butler raconte l’influence profonde que Peterson a eue sur sa propre musique. Puis, nous rencontrons Kelly Peterson, l’épouse d’Oscar et administratrice de sa succession, qui partage des souvenirs personnels et des témoignages éclairants sur l’homme derrière la musique. Avec des prestations d’Oscar et de Taurey, cet épisode rend hommage à une icône canadienne dont la joie, le talent et l’engagement continuent d’inspirer les musiciens et le public partout dans le monde.
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Angela Misri: Cette année marque ce qui aurait été le 100e anniversaire de naissance d’Oscar Emmanuel Peterson, pianiste, compositeur, pionnier canadien et l’un des plus grands artistes de jazz de tous les temps. Né en août 1925, Oscar faisait littéralement danser ses doigts sur les touches, avec une vitesse et une précision qui coupaient le souffle aux foules. Il a brisé des barrières comme artiste noir canadien, gagnant une renommée internationale à une époque où le monde de la musique, et le monde en général, était loin d’être équitable. Sa musique a inspiré, provoqué et ouvert des portes. Son influence, elle, ne s’est jamais estompée. Partout, des musiciens sentent encore son empreinte.
Taurey Butler: Je pense que c’est mondial. Ça n’est pas limité à une région en particulier. Je dis souvent ça aux gens, le nom d’Oscar Peterson, je l’ai entendu prononcer avec plus d’accents différents que n’importe quel autre nom. Il est connu partout.
Angela Misri: Voici Taurey Butler.
Taurey Butler: Je viens du New Jersey à l’origine. Ça fait environ quinze ans que je suis à Montréal. Je suis pianiste de jazz, et Oscar Peterson, c’est mon influence numéro un. C’est lui que j’ai entendu et qui m’a vraiment donné le goût de me lancer sérieusement dans le jazz.
Angela Misri: Pour Taurey, le piano est arrivé tôt, mais le jazz, et Petersen, sont venus plus tard.
Taurey Butler: J’ai commencé dans un programme de fin de semaine où on pouvait choisir entre le violon et le piano. Moi, j’ai choisi le piano. J’ai continué jusqu’à l’âge de 14 ans. Je me souviens, en me rendant à un cours, d’avoir dit à ma mère, Je ne suis plus capable, presque en larmes tellement j’étais frustré. Mais en fait, ce qui me frustrait, c’était que je ne jouais pas la musique que j’avais envie de jouer. C’est à ce moment-là que mon prof de musique m’a passé un enregistrement d’Oscar Peterson.
Taurey Butler: Je pense que c’était une cassette copiée, donc je ne savais même pas d’où ça venait. Tout ce que je savais, c’est que j’aimais ça l’écouter. Je n’aurais jamais cru qu’un piano pouvait sonner comme ça. C’était la première fois que j’entendais un piano, pas danser, mais flotter, et en même temps, ça faisait du bien à écouter. Et techniquement, c’était aussi à un autre niveau. C’était un mélange de tout ça, et c’est comme ça que je suis tombé dans le jazz.
Angela Misri: Ce premier enregistrement, l’album solo My Favorite Instrument de 1968, a allumé chez Taurey une passion qui l’a mené du New Jersey jusqu’en Asie, puis finalement à Montréal, la ville natale d’Oscar Peterson.
Taurey Butler: Je travaillais en Asie et il y a un monsieur de Montréal qui m’a dit Ça serait vraiment génial si tu pouvais venir à Montréal. Finalement, ce gars-là s’est révélé être un pianiste qui jouait au House of Jazz.
Angela Misri: Le House of Jazz était l’une des salles de jazz les plus réputées de Montréal qui a malheureusement fermé en 2020 à cause de la pandémie. Mais au début des années 2000, ça a offert à Taurey quelque chose dont la plupart des jeunes musiciens peuvent seulement rêver : du travail stable.
Taurey Butler: On m’a donné carte blanche pour, tu sais, jouer avec mon trio et divertir le monde. Et, d’après ce que j’ai compris, les gens ont vraiment bien aimé ça.
Angela Misri: Et vivre à Montréal a rapproché Taurey de sa plus grande inspiration musicale.
Taurey Butler: J’ai pu entrer en contact avec des gens qui avaient des liens avec lui. J’ai même eu la chance de rencontrer sa femme et sa fille. Ce sont vraiment des personnes formidables. Pour moi, c’était à la fois étrange et irréel de rencontrer des gens qui avaient été si proches de l’homme qui a eu une telle influence sur ma vie. Et oui, à Montréal, son esprit est encore bien présent. Une des raisons pour lesquelles je suis venu ici, c’était justement pour ressentir un peu de son aura dans cette ville magnifique.
Angela Misri: Avec le temps, cette influence a façonné le style de Taurey. On peut entendre des traces d’Oscar Peterson dans sa façon de jouer, même s’il s’approprie la musique à sa façon.
Taurey Butler: Je suis influencé par à peu près tout ce que j’ai entendu, parce que ça te marque toujours d’une façon ou d’une autre. Mais il y a eu une période où je me suis un peu éloigné, où j’essayais d’imiter des pianistes plus modernes, entre guillemets. Et pourtant, je revenais toujours à Oscar Peterson. Ça se voit d’ailleurs, après mes shows, des gens viennent me dire, Est-ce qu’Oscar Peterson t’a influencé ? Et je réponds Oui, énormément. C’est une grande partie de mon style.
Angela Misri: Mais pour Taurey, la musique a toujours été plus que de la technique ou du style. C’est une façon de rejoindre les gens, de les faire ressentir quelque chose et de leur rappeler ce qui compte vraiment.
Taurey Butler: Je jouais au House of Jazz. L’endroit était vraiment kitsch, avec plein de lustres et beaucoup de touristes qui passaient juste parce que le proprio avait un style super éclectique. C’était unique en son genre. Pendant ma première pause, je suis allé au bar, et un gars m’a abordé. Il m’a dit J’viens d’avoir la pire semaine de ma vie, mais dans la dernière heure, tu m’as........
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