Les think tanks conservateurs à l’épreuve du moment Trump
Depuis des décennies, les think tanks jouent un rôle majeur dans l’élaboration des orientations idéologiques des deux principaux partis aux États-Unis. Une bonne partie de ces centres de réflexion sont résolument conservateurs. S’ils ont eu un certain impact lors du premier mandat de Trump, cet écosystème a connu une nette recomposition durant celui de Biden quand sont apparues de nouvelles structures, cette fois totalement trumpistes dès le départ. Think tanks installés depuis longtemps et nouveaux venus se livrent une lutte d’influence acharnée, parfois jusqu’au sein de la Maison Blanche.
« Project 2025 » : ces deux mots auront marqué la campagne présidentielle de 2024 aux États-Unis. Piloté par The Heritage Foundation, ce projet était centré sur le « Mandate for Leadership », un catalogue de 900 pages égrenant mesures législatives et propositions politiques à l’intention d’une future administration républicaine. Le « Mandate » a été rapidement décrié par les démocrates, qui l’ont présenté comme un dangereux programme aux tendances antidémocratiques avant de s’en servir comme fer de lance de leurs attaques contre le candidat Trump. Pourtant, au-delà même de son contenu, le Projet 2025 était un exercice assez classique de la part d’un think tank.
Il n’existe pas de définition consensuelle du terme de think tank, qui peut inclure une variété d’organisations aux formes et objectifs très divers. Aux États-Unis, toutefois, le terme tend à désigner des instituts de recherche indépendants spécialisés dans l’analyse des problèmes de politique publique et la recherche de solutions, sous la forme de mémorandums, de notes d’information ou encore de briefings. Traditionnellement, ces instituts sont financés par des petites donations de citoyens lambda et/ou par de larges dons de fondations privées. Dans les deux cas, l’origine des fonds est souvent opaque et difficile à tracer.
Les think tanks produisent donc du savoir pour éduquer les décideurs politiques et l’opinion publique ; ils ne sont cependant pas des universités.
Tout en revendiquant une scientificité afin de gagner en prestige et en crédibilité, les think tanks cherchent à influencer le jeu politique ; cela n’en fait pour autant pas des lobbies. Les think tanks doivent plutôt être compris comme des institutions interstitielles, situées à l’intersection des champs politique, universitaire et médiatique.
Cette hybridité explique pourquoi, depuis les années 1970, les think tanks n’hésitent pas à soutenir les candidats et les administrations présidentielles des deux partis. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’une relation privilégiée s’établisse avec un ou deux instituts. Du côté républicain, c’était le cas de Heritage sous Reagan (1981-1989), de l’American Enterprise Institute (AEI) et du Project for a New American Century sous G. W. Bush (1989-1993). Cette collaboration s’explique, d’abord, par le soutien que fournissent les think tanks dans la formulation et la crédibilisation de politiques publiques. Ils sont, par ailleurs, des viviers dans lesquels les administrations peuvent recruter d’anciens décideurs politiques chevronnés qui facilitent la mise en œuvre de leur programme.
Les think tanks sont donc placés depuis longtemps au cœur de la vie politique états-unienne. Cette position évolue toutefois à partir de 2016 et l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.
Contrairement aux administrations républicaines précédentes, l’accession de Trump au pouvoir en 2016 n’offre aux think tanks – y compris à Heritage, pourtant classé 8e think tank le plus influent au monde – qu’une maigre fenêtre........
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