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Pikachu, icône inattendue de la contestation en Turquie

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Dans les rues d’Antalya, un manifestant déguisé en Pikachu a été poursuivi par la police le 27 mars dernier, une scène qui aura très vite capté l’attention des médias, faisant du petit Pokémon jaune la mascotte du mouvement contestataire déclenché par l’arrestation, le 19 mars précédent du maire d’Istanbul et leader de l’opposition Ekrem Imamoglu. L’absurdité de la situation provoque le rire ; pourtant, celle-ci n’a rien d’un sketch. Cette scène prolonge plusieurs décennies d’usages contestataires du costume et de la référence aux personnages de fiction dans les manifestations contre le pouvoir et ses tendances autoritaires en Turquie.

Rappelons le contexte : depuis l’arrestation d’Ekrem Imamoglu le 19 mars dernier, les manifestations organisées en Turquie et au sein de la diaspora turque à l’étranger ne se sont pas complètement estompées, notamment grâce à la participation toujours active des cadres et des électeurs du CHP (Parti républicain du Peuple), des syndicats de gauche et des étudiants.

En effet, malgré l’incarcération du maire d’Istanbul, le CHP a maintenu l’organisation des primaires du parti qui ont désigné Imamoglu candidat commun de l’opposition à la prochaine élection présidentielle. Le parti a mis en place des « urnes de solidarité » permettant à toute la population de participer au scrutin et ainsi de manifester son soutien au maire incarcéré. Résultat : 15 millions de personnes se sont déplacées aux urnes.

Dans la foulée, le parti a annoncé une tournée de meetings hebdomadaires – un à Istanbul, l’autre en province –, a lancé une campagne de pétitions pour la libération des prisonniers politiques et leur a adressé des lettres de soutien. Le premier rassemblement, tenu le 29 mars à Maltepe, sur la rive asiatique d’Istanbul, a réuni selon le parti près de deux millions de personnes. Les politiques incarcérés ont également fait entendre leur voix à travers des tribunes publiées dans la presse nationale et internationale.

La position des syndicats est plus ambiguë : certains d’entre eux comme Egitim-sen (appel à la grève des enseignants) et Umut-Sen (appel à la grève et à l’arrêt de travail les 27 et 28 mars) ont très tôt affiché leur soutien au mouvement. Mais, progressivement, des désaccords stratégiques et idéologiques, notamment au moment du 1er mai, ont fractionné l’union syndicale.

En réalité, ce sont les étudiants qui représentent la force vive et créative du mouvement du 19 mars. Indépendamment des cadres partisans et syndicaux, ils développent des idées nouvelles, comme le défilé carnavalesque des étudiants des Beaux-Arts de l’Université Mimar Sinan (Istanbul), et radicalisent les propositions parfois timides des professionnels de la politique, comme le boycott des médias pro-gouvernementaux, qui a été élargi au conglomérat politico-financier de l’AKP, le parti au pouvoir, celui du président Recep Tayyip Erdogan.

La jeunesse étudiante turque dénonce les violences exercées par la police et les agents de sécurité privée dans les universités, et réclament la libération de leurs camarades détenus, lesquels adressent régulièrement des lettres au public qui sont relayées par la

© The Conversation