Crimes racistes et islamophobes, lutte contre « le frérisme » et culture du soupçon anti-musulmans
Le meurtre d’Aboubakar Cissé, assassiné dans la mosquée de la Grande-Combe (Gard) le 25 avril 2025, est le point d’acmé d’une culture du soupçon à l’égard de l’islam et des musulmans. Le récent rapport gouvernemental sur l’entrisme des Frères musulmans en France participe de cette logique de suspicion à tonalité conspirationniste qui s’est installée jusqu’au sommet de l’État. Au-delà de l'hostilité à l’égard des musulmans, les crimes racistes de Puget-sur-Argens (Var), ce 31 mai, soulignent la prégnance de la xénophobie dans l’espace public.
Aboubakar Cissé a été assassiné le 25 avril dernier. La trajectoire du meurtrier reste à préciser pour mieux cerner l’étendue de ses motivations. Néanmoins, cet événement revêt d’ores et déjà une portée emblématique à maints égards : d’abord, par la violence extrême de l’acte ; ensuite, par le fait qu’il s’agisse d’un musulman ordinaire, sans antécédents ; par le lieu du forfait, la mosquée de La Grand-Combe dans le Gard ; enfin, par le mode opératoire de l’assaillant, qui a pris soin de filmer son geste en l’accompagnant de paroles ouvertement anti-islam et antimusulmanes, les deux dimensions s’entremêlant dans les propos rapportés par l’AFP : « Ton Allah de merde. » Ce fait inordinaire ayant affecté un musulman du quotidien peut être interprété comme le point d’acmé d’une culture du soupçon à l’égard de l’islam et des musulmans qui s’est déplacée des marges de la sphère publique à son centre.
Dans une enquête de science politique publiée en 2022, nous avons mis en évidence que, depuis les attentats de 2015, des représentants de l’État ont glissé de la critique légitime des auteurs des attentats terroristes vers une suspicion plus étendue à l’égard du monde musulman, dans une « confusion conceptuelle entre conservatisme, rigorisme, radicalisation, séparatisme, islamisme et djihadisme ». Le récent rapport gouvernemental sur les Frères musulmans en France, en évoquant « un projet secret » sans « aucun élément sérieux pour le démontrer », selon les mots du politiste Franck Frégosi, participe de cette logique de suspicion à tonalité conspirationniste qui s’est installée jusqu’au plus haut niveau de l’État. Les acteurs incriminés sont sommés de faire constamment la preuve de leur innocence malgré leur légalisme affiché et revendiqué.
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Compte tenu des nombreux indices empiriques, il semble par conséquent difficile d’en ignorer la portée éminemment islamophobe. Pourtant, malgré ce qui relève de l’évidence factuelle – fondée tant sur le lieu du crime que sur les déclarations de l’assassin, confirmée par les premières investigations de la justice –, certains responsables politiques, journalistes et éditorialistes ont spontanément hésité à en admettre le caractère fondamentalement raciste, avec un aspect anti-islam remarquable.
Si le premier ministre François Bayrou a immédiatement qualifié ce meurtre d’« ignominie islamophobe », d’autres membres du gouvernement, et plus largement de la classe politique, n’ont pas adopté la même clarté. Les raisons de ces hésitations sont diverses. Le ministre de l’intérieur et des cultes Bruno........© The Conversation
