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Grégoire Kauffmann : "Jean-Marie Le Pen a toujours eu un problème avec l'idée de pouvoir"

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08.01.2025

Marianne : De quoi Jean-Marie Le Pen est-il le nom ?

Grégoire Kauffmann : Cet homme a été le lieu d’une contradiction insurmontable entre un tempérament profondément subversif et un amour de l'ordre et de la tradition. Auront toujours cohabité en lui l'homme d'ordre, ancien parachutiste en Algérie, fervent défenseur de la discipline et de la hiérarchie, avec celui qui a envie de tout casser dans le salon des bourgeois. Il y a eu à la fois en lui cette part anarchiste de droite, animée par un goût pour la transgression et une passion pour la provocation, et un culte voué à l’autorité.

Que représente-t-il dans l’histoire politique française récente ?

Il est, pour l’histoire contemporaine, un parfait représentant du nationalisme français. C’est l’héritier, d’abord, de toute une nébuleuse qui est née à la fin du XIXe siècle avec l'émergence du nationalisme politique. Le slogan « La France aux Français » qu’il fera sien a été popularisé par le « pape de l'antisémitisme », Édouard Drumont, au début des années 1890. Cette filiation éclaire une continuité idéologique lourde de sens.

Il est, ensuite, le rejeton de tous les mouvements nationalistes qui essaimeront dans la première moitié du XXe siècle et notamment des ligues des années trente rêvant de renverser la République parlementaire. Il incarne cette tradition antiparlementaire et antiélitiste d’un nationalisme agressif qui s’est épanoui sous la Troisième République. Un nationalisme d’exclusion, nourri par la peur obsédante de l’ennemi intérieur, où l’étranger est perçu comme infiltré au cœur même de la nation, tissant autour d’elle ses rets invisibles.

Cet ennemi intérieur, accusé de conspirer contre les intérêts du pays, devient l’incarnation de ces « mauvais Français » que Jean-Marie Le Pen qualifiera plus tard de « Français de papier ». C’est la figure du « métèque » vulgarisée par Charles Maurras, le théoricien de l’Action française, dans les années 1900. Cette expression désigne le Français naturalisé, qui campe sur le sol français sans appartenir de façon naturelle et organique à la tradition nationale. Il faut souligner l'influence marquante du maurrassisme sur Jean-Marie Le Pen, une empreinte partagée par tous les nationalistes de sa génération. Le Pen qui, jeune homme, en 1947, vendait le journal d’Action française Aspects de la France à la criée dans les rues parisiennes – à une époque où Charles Maurras, le grand maudit, était enfermé dans les prisons de la République.

« Mitterrand a bien compris qu’au moment du "tournant de la rigueur", à l'époque où la gauche n'a plus de raison de croire ni d'espérer, il est intéressant de faire inviter Jean-Marie Le Pen sur les plateaux de télévision publique. »

Comment débute l’histoire de Jean-Marie Le Pen avec le Front national ?

Le mouvement du Front national n'a pas été fondé par Jean-Marie Le Pen mais par les néofascistes d'Ordre........

© Marianne