À 78 ans, Pierre-André Taguieff n’a rien perdu de son acuité critique. Loin des slogans et des postures, le philosophe démonte les logiques d’inversion et les impasses morales d’un antiracisme devenu, selon lui, « pseudo-antiracisme » où la haine des Blancs succède à la haine de l’autre. Il revient pour Marianne sur la confusion des mots, le triomphe du moralisme et les illusions d’un progressisme devenu puritain.

Marianne : Le mot « racisme » a-t-il perdu son sens par excès d’usage ? Et ce glissement relève-t-il seulement du militantisme antiraciste ?

Pierre-André Taguieff : Ce n’est nullement une particularité idéologique du militantisme antiraciste. Il en va de même pour d’autres «-ismes » suremployés dans les discours polémiques : « fascisme », « populisme », « nationalisme », etc. Leurs contenus conceptuels s’effacent au profit de leur force d’illégitimation : ils servent à disqualifier l’adversaire politique. Qualifier aujourd’hui un individu ou un groupe de « raciste », « d’extrême droite », de « fasciste » ou de « réactionnaire », c’est le criminaliser et le diaboliser. C’est ainsi qu’on fabrique des incarnations du Mal.

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Il y a là un dévoiement du sens moral, devenu simple bien-pensance, et de la foi religieuse, réduite à une démonologie. Dans le discours ordinaire, « raciste » se réduit à une injure : il sert à exclure et à maudire. Le mot a perdu sa valeur descriptive et son sens conceptuel. Mais comment prétendre lutter contre la haine tout en incitant à la haine contre les sujets supposés haineux ? À nous de repenser, avec le plus de rigueur possible, ce qu’on appelle encore « racisme », alors même qu’il n’est plus guère question de « races » au sens de l’ancienne anthropologie physique.

Vous évoquez le déni du racisme anti-Blancs. La « culpabilité blanche »........

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