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Une identité forgée par le tourisme

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Le 26 décembre 2024, la série Winter Palace faisait son apparition sur les écrans suisses, portée par un fort engouement et une large campagne de promotion médiatique à l’échelle nationale.1> Lire O. Wyser, «Winter Palace, série de luxe», Le Courrier du 27 décembre 2024, ndlr. Fruit d’une première collaboration entre la RTS et Netflix, cette production se veut révélatrice d’une page de l’histoire de la Suisse en explorant son essor touristique. Si l’initiative de valoriser cet aspect historique et économique mérite d’être saluée – bien qu’elle soit fardée d’anachronismes et de sensationnalisme –, la série nous rappelle néanmoins à quel point l’image de la Suisse demeure profondément rattachée à quelques clichés.

Qu’ils soient explicites, comme le couteau suisse, la fondue, le ski, l’hôtellerie et l’hospitalité, ou plus implicites – permissivité en matière de stupéfiants, source d’inspiration littéraire, monopole catholique dans les villages valaisans avec ses habitants dépeints tels des barbares – ces stéréotypes structurent l’intrigue principale et sont présentés de manière peu critique. Bien que ce choix puisse s’expliquer par une volonté de séduire une audience internationale, il semble toutefois nécessaire de souligner que cette identité suisse, prétendument originale, s’est construite au service du regard de l’autre, à tel point qu’il paraît difficile de s’en défaire.

Pour saisir les mécanismes sous-jacents à cette construction culturelle de l’identité suisse, il est essentiel d’aborder la question à travers une histoire interconnectée entre la Suisse et une altérité, ainsi que les rapports de pouvoir qui en découlent. La série le met en évidence: ce sont les voyageurs européens – principalement les Britanniques – qui ont contribué au développement de l’industrie du tourisme et, par extension, à la formation d’un éthos suisse. Or, cette production s’intéresse à une période de l’histoire où la pratique du tourisme estival est déjà bien établie et où certains des stéréotypes mentionnés ci-dessus sont déjà existants. Comprendre les origines de cette culture pour le regard du touriste nécessite donc d’examiner l’évolution du tourisme en Suisse à travers un prisme britannique, initialement dominé par un regard masculin.

Ce gaze trouve ses origines dans la pratique masculine et élitiste du Grand Tour. Rappelons-le, ce voyage initiatique, qui s’étend de quelques mois à plusieurs années, est destiné à de jeunes aristocrates européens, qui, accompagnés d’un tuteur, ont pour but de parfaire leur éducation en atteignant l’Italie et son classicisme. Si la traversée des Alpes suisses effraie les aristocrates britanniques au cours du XVIIe siècle et lors de la première moitié du XVIIIe siècle, les montagnes suisses deviennent, dès 1750, une destination à part entière.........

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