Sans voix, le témoignage d’une médecin de famille en fin de carrière
Je suis sans voix. Médecin de famille en CLSC depuis 32 ans, j’ai choisi cette pratique pour son approche communautaire et interdisciplinaire. J’ai aussi choisi une clinique universitaire de médecine de famille (CUMF) pour sa pédagogie de terrain. Mon milieu de travail est devenu un groupe de médecine de famille universitaire (GMF-U) respectant les mêmes valeurs.
Mon ambition de soigner, d’éduquer et de parfaire mes interventions ne s’est jamais tarie.
Jusqu’au moment où… l’ère Barrette a créé une atmosphère morose de dévalorisation de notre profession.
Où la pandémie de COVID-19 a bouleversé nos vies et nos responsabilités. Elle nous a usés, par la crainte et l’insécurité qu’elle a induite à tous. La médecine et ses zones grises ont été révélées, créant une paranoïa et une anxiété exacerbée auxquelles nous faisions face dans nos bureaux. Tout cela au prix de notre énergie vitale, grugée par l’état d’alerte constant. Seul le sens du devoir nous forçait à y puiser encore.
Puis des démissions.
Puis un congé maladie.
Un mur infranchissable, une incapacité à rencontrer un patient, une oppression thoracique à 10 pieds du CLSC où je travaille depuis plus de 30 ans. Puis, un retour fragile, une reconstruction lente.
Puis, Santé Québec, avec ses remaniements administratifs et budgétaires… encore. Après les CSSS et les CIUSSS.
Une idée prometteuse, un espoir émergent, nourri par une société d’État moins soumise aux priorités politiques, porteuse d’une vision à long terme. Enfin, la possibilité de planifier les soins de santé pour la génération des 25 prochaines années. Enfin, pouvoir implanter des changements de culture de soins et de gestion sur un horizon de 10 à 15 ans. Changer la gestion des ressources........
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