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Berger allemand

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19.08.2025

À l’époque, je me demandais encore comment il serait possible, pour mon cœur, de revivre cette étrange condamnation au deuil que contient, inévitablement, l’adoption d’un chien. Quelques mois plus tôt, j’avais offert un adieu précipité à mon fidèle compagnon des dix dernières années, lui qui m’avait soutenue dans ces expériences si intenses que sont celles du devenir-mère, puis de la maladie, en plus d’avoir porté, chaque jour avec moi, l’espace thérapeutique dans ma pièce rouge de la rue Belvédère. Le perdre avait fait craquer mon cœur d’une manière dont il ne se remettait pas encore.

Ce stupide adorable nono, suivant son instinct de demi-cocker en lui, avait fui une fois de trop la maison pour aller courir au bois, avant de se jeter sur le chat d’en face de la rue, sans calculer non, sans regarder des deux côtés avant de traverser. En quelques secondes, mon collègue, mon ami, mon témoin de vie, aux yeux qui réparaient toutes les blessures infantiles du monde, avait terminé sa course sous les roues d’une voiture conduite par une dame qui n’avait rien pu faire pour l’éviter. C’était ainsi qu’elle s’était achevée, cette belle aventure qui nous avait fait goûter à cette si sous-estimée tendresse nécessaire au vivre. Logée dans le quotidien de la répétition du geste, revêtant parfois l’apparence de l’obligation, cette tendresse avait agi telle une promesse qui, contrairement à celles qu’on se fait entre humains, avait eu le mérite d’être tenue, jusqu’à la fin. Je l’ai caressé jusqu’au dernier souffle, qui vint rapidement, sur le côté de la route, là, où, avec les enfants, on irait planter une petite croix blanche en souvenir du chien fugueur qui avait tant empli nos vies.

Elles sont denses, nos histoires d’adoption d’animaux dans nos récits de vie. Pour peu qu’on s’y intéresse, au-delà de notre inclination pour les bêtes à poil, on y trouve toujours de multiples........

© Le Devoir