«Made in USSR»
À part les quelques écervelés trompés par la lumière équinoxiale et surpris à pousser leur gazouillis amoureux en plein mois de septembre, à part, aussi, cet increvable Aznavour de la gent ailée qu’est le viréo aux yeux rouges, les oiseaux ne chantent plus à cette époque de l’année. C’est aussi bien comme ça. Je n’ai pas à me sentir coupable d’enterrer leur douce musique sous la voix de mon fusil de chasse. J’enlève la sécurité, j’appuie, du bout du pied, sur la pédale du lanceur automatique et j’épaule mon arme tandis que le ressort brusquement détendu propulse un autre disque orange fluo dans le ciel bleu au-dessus de la petite prairie. Boum !
Lorsque la fine grenaille d’une cartouche de plomb no 8 le frappe de plein fouet, l’objet se désintègre si totalement qu’il donne l’impression de disparaître sans laisser de trace, au point de nous faire douter d’abord de l’avoir atteint. Le foudroyer du premier coup est bien sûr satisfaisant, mais rater un premier tir puis réussir, grâce à l’étranglement maximal du second canon du superposé, à dégommer la cible au moment où elle amorce sa courbe descendante à une quarantaine de mètres l’est tout autant.
Mon vieux Baikal — « made in USSR », dit une inscription gravée dans le métal —, contrairement à son ancêtre juxtaposé de mes 20 ans, à chiens extérieurs et double gachette, possède une seule détente. La possibilité d’enchaîner rapidement ces deux tirs peut représenter la différence entre une perdrix qui file se mettre à couvert et une autre qui atterrit dans l’assiette.
Il arrive aussi que le contenu de la première cartouche passe........
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