Ce que notre sommeil dit de nous
Le Devoir vous invite sur les chemins de traverse de la vie universitaire. Une proposition à la fois savante et intime, à recevoir tout l’été comme une carte postale. Dans ce premier rendez-vous de la saison, on réfléchit au sommeil et à sa place dans nos vies.
Ce n’est pas tous les jours que j’ai une tribune, alors j’en profite pour le clamer haut et fort : il est 3 h 50 du matin au moment où ces lignes sont écrites. Je suis fière de respecter ainsi mon chronotype, moi qui suis membre en règle du club des oiseaux de nuit. Je ferai moins la fière demain matin, lorsque, après une rencontre en visioconférence que je n’ai pas réussi à faire déplacer en après-midi, une collègue m’appellera pour me demander : « Es-tu correcte ? Tantôt, pendant la rencontre, je t’ai sentie partir. »
J’ai accepté depuis longtemps les conséquences de mon mode de vie : le teint pâle, les yeux cernés, le décalage social constant. Mais je dois admettre que je ne m’étais jamais vue « partir ». Puisque la rencontre a été enregistrée, je constate que ce combat contre le sommeil, que j’ai mené toute la matinée, n’avait rien de glorieux. En revisionnant la rencontre, je me vois grimacer d’effort, puis lâcher prise. Je vois mes yeux se remplir d’eau avant de rouler sous mes paupières.
Je vis avec un trouble du sommeil qui n’a été diagnostiqué que tardivement. Mon cas n’est pas exceptionnel : près du quart des diagnostics de troubles du rythme circadien prennent plus de dix ans avant d’être posés. Souvent, ils ne le sont qu’après d’autres diagnostics, ceux-là signalant des comorbidités ou étant tout simplement erronés.
C’est pour changer les choses en faisant dialoguer les données scientifiques et les histoires vécues que j’ai rejoint à titre de coordonnatrice l’initiative interuniversitaire de Madhura Lotlikar nommée........
© Le Devoir
