Un éléphant dans la pièce… vide
J’ai eu l’impression de cligner des yeux toute la semaine devant mon écran. What ? ! Je ne fais plus la différence entre une série dystopique sur Netflix et la réalité. Dans un registre mineur (comparativement à un salut nazi), on épingle de plus en plus les solos pour expliquer le problème de la crise du logement. Chez les fascistes ultranationalistes natalistes, la famille reste le socle de la moralité et la réponse au Grand Remplacement.
Écrites par une « mère quatre fois » (mon arrière-grand-mère l’a été douze fois, ça compte ou pas ?), ces lignes m’ont fait sursauter. Elles ne nous expliquent pas que la crise du logement est multifactorielle et due à la spéculation, aux rénovictions et aux flips immobiliers, à la gentrification des quartiers centraux dans les villes, à la pénurie de logements sociaux ou hors marché — donc abordables —, à certains immigrants fortunés avantagés par le taux de change (on pourra bientôt payer en euros sur le Plateau-Mont-Royal), aux pied-à-terre et aux logements ou résidences secondaires vides, aux Airbnb retirés du parc locatif à des fins touristiques, au manque de main-d’œuvre pour les mises en chantier, etc.
Après les étudiants étrangers et les nouveaux arrivants, ce sont les personnes seules qui sont désormais à blâmer : « Ça prend de la place, la solitude », cite la mère de quatre marmots. Nous en sommes là, à cibler non pas les ultrariches qui souffrent d’obésité spatiale — la (les) pièce vide —, mais plutôt les gens qui parlent avec leur chat.
Le Canada est le pays qui affiche le moins de gens seuls des pays du G7 avec 3 ménages sur 10 (c’est plutôt 4/10 en Finlande, en Allemagne ou en Norvège) avec les États-Unis. Cette hausse des solos « s’explique presque entièrement par le vieillissement de la population ». Ben oui, la faute aux vieux, mais surtout… aux vieilles.
En réalité, la bourgeoisie n’a qu’une méthode pour résoudre la question du logement à sa manière — c’est-à-dire la résoudre de telle sorte que la solution engendre continuellement de nouveau la question.
Quand on regarde derrière les chiffres, le problème s’avère plus complexe que de dénoncer des veuves (de plus en plus tard, d’ailleurs) ou des individualistes forcenées qui n’ont pas envie de partager les pulsions nocturnes de ton oncle Raymond. Ce qui occupe davantage d’espace immobilier qu’un célibataire parqué........
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