Le temps des fraises
La pétillante vendeuse aux longs cheveux blonds sautille d’un bout à l’autre du kiosque de petits fruits où je m’arrête faire le plein de couleurs, au marché Atwater. Samedi matin tôt (pas tant, car les maraîchers se lèvent dès potron-minet), j’ai déjà reçu un câlin de Louise à la fromagerie, semé quelques compliments, respiré le suc des récoltes aoûtées devant les étals généreux. Rien ne bat les marchés publics au début du jour de la fin d’été.
Je me procure un nouveau plant de basilic, le mien ayant brûlé sur le balcon cette année. Les géraniums aussi font la gueule. Ils ont cuit au soleil.
« C’est le temps des fraises », me lance la jeune fille avec des feux de joie au fond des prunelles. Elle m’assure que la saison des fraises, « c’est de juin à octobre ». La craquante a 16 ans, sa patronne Mélissa, des Fruits de la relève, me l’a appris au détour d’une jasette. À 16 ans, la relève croit que le temps des vraies fraises dure tout l’été, que les feuilles des arbres tombent (déjà) au mois d’août, que l’Halloween, c’est demain (au Dollarama), et que le smog fait partie de la vie, au même titre que l’application IQAir sur ton cell. À 16 ans, on se dit que la saison des fraises, c’est beaucoup plus joli que la saison des feux. Et en plus, ça se mange cru.
Parlant de feux (vous avez probablement déjà oublié, on appelle ça « l’amnésie climatique » en psychologie sociale ; c’est très répandu comme mécanisme de défense), je trouvais que la nouvelle la plus désopilante de l’été, ce sont les représentants républicains qui ont fait parvenir une lettre à l’ambassade du Canada se plaignant de la fumée de « nos » incendies. « Alors que nous entrons dans le pic de la saison des incendies, nous aimerions savoir comment votre gouvernement prévoit d’atténuer les feux de forêt et la fumée qui se propage vers le sud », stipulait la lettre début juillet.
Avis aux républicains : faites traduire ces signaux de fumée par les Lakotas du Dakota. Il y a sûrement un message subliminal derrière : un doigt d’honneur masquant un toupet orange, allez savoir. Toutes nos excuses pour le dérangement.
Le célèbre généticien et zoologiste David Suzuki a beau avoir 89 ans, il continue à cracher le feu. Cet été, il a lâché une bombe devenue virale : il est trop tard. Trop tard pour revenir au monde d’avant, en tout cas,........
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