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La fée est une caméléonne

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12.04.2025

La femme assise devant moi pourrait être mon amie, intelligente, sensible, le regard franc et le verbe à l’avenant, éloquente, rousse et subtile. Mélissa Perron a épousé plusieurs vocations avant d’être romancière : caméléonne tout-terrain à l’école secondaire avant de décrocher, jeune maman sur le BS au début de la vingtaine, Fée des étoiles à Noël dans les centres d’achat, puis artiste peintre sur porcelaine dans sa cuisine. Découverte par Ricardo, Mélissa l’a envoyé promener trois fois avant d’accepter ses avances professionnelles pour son magazine.

Mélissa a aussi connu une seconde naissance à l’âge de 38 ans ; elle a ENFIN reçu un diagnostic d’autisme de niveau 1 au bout d’une quête interminable qui lui a fait perdre plusieurs fois le fil de sa vie.

« Vous êtes une femme autiste. Je n’ai aucun doute là-dessus », lui a confirmé la neuropsychologue après une évaluation dans une clinique spécialisée. Mélissa a été si soulagée qu’elle en a pleuré des ruisseaux ; le morceau de porcelaine manquant venait de se remettre en place. Elle n’était pas folle, simplement femme autiste avec une aversion pour le chiffre 5 et une obsession pour les carpettes d’entrée bien alignées.

Pourquoi le mot « femme » ? Parce que les femmes ne représentent encore aujourd’hui qu’un autiste sur quatre (presque 2 % de la population au Québec, globalement) et qu’un garçon court dix fois plus de risques d’être dirigé en évaluation qu’une fille timide ou asociale. On appelle ça du sexisme médical. Et en ce moment, les cliniques privées de neuropsychologues font du rattrapage ; la plupart des listes d’attente sont fermées pour cause d’engorgement. Au public, il faut compter deux ou trois ans avant d’obtenir une évaluation.

Les femmes sont plus susceptibles de masquer (camoufler, jouer au caméléon) leur état, et cela dès le plus jeune âge, afin de pouvoir se fondre dans la masse. De plus, les caractéristiques qui accompagnent l’autisme diffèrent largement sur le spectre, et selon le sexe aussi. Mélissa est ce qu’on appelait « une Asperger » il n’y a pas si longtemps, une autiste de niveau 1, sans déficience intellectuelle.

Cette femme de 44 ans, mère de deux filles, de 22 ans et de 11 ans, dont l’une a aussi reçu un diagnostic d’autisme, vient de publier son cinquième livre, Femme caméléon, mon coup de cœur de la saison. Ce roman graphique revêt une facture visuelle naïve et colorée qui enrobe une quête éprouvante où l’héroïne surmonte des tortures psychologiques et thérapeutiques dignes d’un autre........

© Le Devoir