Même les plus endurcis
Il y a presque onze ans, j’échangeais par courriel avec Bernard Descôteaux, au sujet des rigueurs de l’hiver québécois comparées à celles de New York, où beaucoup se plaignaient alors du froid. Toujours à la recherche d’une ironie ou d’un paradoxe journalistique, je lui avais lancé : « Tu gèles, là-bas ? Il paraît que c’est un hiver normal et que nous en avons juste perdu l’habitude ici. » Élevé au frigo de Chicago, je m’attendais à une réponse vantant la supériorité — voire l’indifférence — des Montréalais face aux basses températures, soulignant du même coup la mollesse des New-Yorkais faibles et gâtés. Mais non, mon cher directeur avait riposté franchement que, oui, « même les plus endurcis » trouvaient l’hiver « dur ».
Cet échange m’est revenu, le 20 janvier, lorsque je me suis retrouvé sur le toit d’un hôtel de Washington avec vue sur le Capitole, au loin, pour commenter sur un plateau de télévision française l’intronisation de Donald Trump à un deuxième mandat présidentiel. Il faisait anormalement froid — si froid que le 47e président américain avait supposément annulé la cérémonie en plein air pour le bien-être de ses « centaines de milliers de partisans », ainsi que celui de la police et de leurs chiens « K-9 », des secouristes, « et même des chevaux ».
Cette étonnante et soudaine empathie pour l’autre tranchait avec le temps métaphoriquement glacial qu’il faisait dans la rotonde du Capitole en raison de la présence infecte du président Trump. Jamais de ma vie n’ai-je entendu un discours politique américain d’une telle méchanceté ; jamais n’ai-je mieux........
© Le Devoir
