La torche à la main
Difficile de ne pas y penser, à ces enragés, à ces déchaînés, à ceux-là qui ont l’écume à la bouche à force de gueuler. La torche à la main, ils foncent toujours dans la nuit noire de l’histoire.
Le 25 avril 1849, ils en veulent à mort aux parlementaires. Ils leur reprochent de vouloir indemniser les victimes de la violente répression militaire opérée par l’armée britannique en 1837-1838. Ces émeutiers éventrent l’édifice du parlement. Les vitres volent en éclats. Ils mettent le feu. Les deux bibliothèques flambent.
Dans tous les conflits majeurs, les fondamentaux de la culture sont ciblés. Lors du saccage de Corinthe, les généraux romains, à la solde de Lucius Mummius, laissent leurs hommes vandaliser des trésors culturels parce que le rustre consul considère avoir assez d’argent pour s’en payer des neufs. En l’an 590, le pape Grégoire Ier, qui sera considéré comme un saint, fait traquer les écrits de Cicéron et de Tite-Live afin de les brûler. Il reproche à ses fidèles de les préférer à la lecture du Nouveau Testament. En Terre sainte, les croisés incendient les bibliothèques musulmanes, dépositaires de précieux savoirs au chapitre de la médecine et des mathématiques. Au Nouveau Monde, les hommes de Hernán Cortés s’emploient à détruire des salles entières de quipus, ces cordelettes colorées, et de codex, ces documents de mémoire pour l’histoire, la bureaucratie et l’astronomie des Incas et des Aztèques.
Les nazis sont convaincus d’éclairer le monde par des autodafés. En Russie, leurs troupes vont jusqu’à faire un détour pour aller profaner les manuscrits du grand écrivain pacifiste Léon Tolstoï. En........
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