L’impérialisme comme bouée de sauvetage trumpienne?
Lorsqu’il arrive aux États-Unis en 1831, Alexis de Tocqueville est proprement estomaqué par ce qu’il y voit. Loin de l’inégalité de statut et de rang caractéristique des régimes aristocratiques, les Américains se considéraient comme formellement égaux. Les « pauvres », eux, lui apparaissaient peu nombreux et dispersés, alors qu’ils se trouvaient en nombre dans les capitales européennes. La démocratie américaine tenait bon, alors qu’en Europe, la royauté se maintenait. Comment l’expliquer ?
Tocqueville, dans les deux tomes de La démocratie en Amérique, propose plusieurs causes de ce curieux succès égalitaire et démocratique. L’une d’entre elles fait directement écho à la situation politique contemporaine : il s’agit de l’ampleur infinie du territoire américain de l’époque. Alors que sur le Vieux Continent, les ressources naturelles étaient plutôt limitées et la propriété très concentrée, les États-Unis disposaient d’un territoire immense et largement vierge, notamment vers l’ouest. Ce faisant, il était possible pour ceux qui étaient mécontents de leur situation matérielle d’aller chercher une meilleure fortune par-delà la « frontière », ce qui réduisait fortement le nombre de mécontents et le niveau de frustration populaire.
Autrement dit, c’est l’expansion coloniale qui, en exportant et en dispersant les mécontents potentiels loin des centres, aurait permis d’assurer une forme d’égalité réelle et de limiter la possibilité qu’émerge un grand mouvement populaire qui aurait remis en question la stabilité de la démocratie américaine. La démocratie, pour maintenir sa promesse égalitaire, aurait eu besoin de s’étendre.
Or, cela fait désormais longtemps que cette........
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