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Ras-le-bol

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friday

Je rentre de Tunisie, où l’on compte un nombre remarquable d’avenues et de places portant le nom de 14-Janvier 2011, commémorant la fuite du dictateur Ben Ali, qui a dominé le pays durant 23 ans, et la première des révolutions de ce qu’on a appelé par la suite « le printemps arabe ». L’une des questions maintes fois ressassées durant mon séjour, mais qui n’a jamais complètement trouvé de réponse — si cela est même possible —, est : qu’est-ce qui crée le moment où un peuple décide qu’il en a marre et se soulève ?

L’un des ingrédients les plus patents de la révolte semble être l’expérience de l’humiliation collective, ou, dit à l’inverse, le réflexe de défense de la dignité humaine. Je ne parle pas ici de « colère contre l’injustice », qui peut certes mobiliser plusieurs personnes, mais qui, surtout lorsqu’elle touche d’autres que soi, reste souvent trop abstraite pour mobiliser la quasi-totalité des masses. Si l’humiliation déclenche des réactions aussi fortes, c’est qu’elle touche à l’instinct de survie. Politiquement, elle joue quand c’est qui nous sommes comme personnes qui est attaqué.

Dans le cas de la Tunisie, c’est Mohamed Bouazizi, un vendeur de légumes ambulant âgé de 26 ans, qui est devenu le symbole de l’humiliation collective. En décembre 2010, il est arrêté par la police parce qu’il ne possède pas de permis de vente. Les autorités lui confisquent sa marchandise, qui lui permettait de contribuer à subvenir aux moyens de sa famille. Devant le mépris et la fin de non-recevoir de la bureaucratie à son égard, il s’immole devant l’administration locale — et meurt........

© Le Devoir