Bob Wilson, un théâtre à la mesure de la vie
Guidée par une approche singulière et instinctive, par-delà les cadres traditionnels, l’œuvre de Bob Wilson aura changé la vie de beaucoup de ceux qui en auront été les témoins. Connu pour sa rigueur formelle, le metteur en scène américain maniait en réalité un théâtre de la vie. Il s’est éteint ce jeudi 31 juillet, à 83 ans.
C’était l’un de ces grands génies américains, comme il s’en présente peu à l’horizon. Robert Wilson, que tout le monde appelait de son diminutif, « Bob », comme s’il faisait partie de la famille, s’est éteint en pleine nuit ce jeudi 31 juillet. Il avait 83 ans et venait d’être frappé par un cancer fulgurant.
Son histoire commence à Waco, au Texas, dans une famille conservatrice au sein d’un milieu baptiste, loin du théâtre. Le petit Bob n’a même pas le droit à la télé, alors il commence à monter ses premiers spectacles dans le garage de la maison, plantant sans doute les graines de son avenir d’artiste. À vingt ans, il débarque à New York pour étudier l’architecture au Pratt Institute, et tout change. À la fois parce que le cursus l’ouvre à une pensée de la construction qu’il ne cessera d’employer, même lorsqu’il s’agira de découper des lumières autour d’un acteur. Aussi parce que la grosse pomme lui ouvre en grand les portes du milieu artistique. Il découvre Merce Cunningham, son premier amour de danse. Il rencontre Martha Graham, qui l’invite à suivre ses cours, puis deux autres chorégraphes, Alwin Nikolaïs et Murray Louis, qui le font travailler comme scénographe et costumier, et l’influencent sans doute de leur sens de l’abstraction plastique. Wilson commence comme scénographe, signe bientôt ses premières performances. Mapplethorpe apparaît dans l’une d’elles.
En 1967, dans un loft new-yorkais, il fonde son collectif, la Byrd Hoffman School of Byrds, du nom d’une professeure de danse qui l’avait aidé à surpasser son bégaiement, dans son enfance à Waco. Avec cette bande bouillonnante, il monte The Life and Times of Sigmund Freud, premier spectacle fleuve de quatre heures où il convie sur scène, comme il le fera souvent ensuite, des non-professionnels. Ici, un joaillier de Coney Island, sosie du docteur autrichien rencontré au hasard sur un quai de gare, entouré d’autres inconnus castés dans la rue. Des gens qu’il a su regarder avec © L'Humanité
