Depuis plusieurs mois est attendue l’adoption de la troisième bouture de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), chargée d’accompagner l’accélération de la transformation du pays vers la neutralité carbone à horizon 2050. Nous présenterons ci-dessous la modalité selon laquelle est défini-outillé l’axe central des politiques de transition écologique : la décarbonation (Duval, Maillard, 2024).

Ce qui saute aux yeux du géographe, c’est la focalisation mise sur l’administration de cette problématique à la seule échelle de notre système sociétal. Plusieurs travaux ont déjà pointé du doigt certaines contradictions associées à cette focalisation (Trotignon, 2025). Ceux-ci omettent toutefois d’expliciter une autre forme de négligence de nature, cette fois-ci, infra-territoriale. La SNBC formule des scénarios sectoriels globaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), ce qui paraît, a priori, tout à fait justifié : le dérèglement climatique est un enjeu systémique, il convient donc d’organiser une réponse cordonnée de l’ensemble de la société. Cela revient toutefois à oublier que chacun des secteurs d’activité concernés se trouve toujours-déjà imbriqué dans une géographie spécifique.

La géographie différenciée de la décarbonation industrielle

La décarbonation de l’industrie l’illustre parfaitement. En 2021, l’industrie représentait le troisième secteur d’émissions territoriales. Il est attendu qu’elle produise l’effort de décarbonation, en part relative, le plus conséquent du pays (SNBC3). Cet effort se polarise, en réalité, sur certains territoires-clés du fait de la concentration géographique et de l’inertie spatiale historiques de l’industrie française. La carte des émissions industrielles l’illustre clairement : on y reconnaît le poids persistant des territoires où s’est historiquement concentrée l’industrie lourde, à l’exemple des bassins houillers de Lorraine et du Nord-Pas-de-Calais. Ces territoires sont donc les premiers concernés par la décarbonation industrielle.

Dans le cas des bassins miniers évoqués, l’affirmation de ces efforts percute les problématiques territoriales auxquels ils font structurellement face depuis le retrait de leur ancienne mono-industrie (désindustrialisation, précarité, déclin urbain, etc.). Cela impose aux pouvoirs publics de concilier ces dynamiques parallèles de transitions écologique (décarbonation) et territoriale (reconversion). Dans le cas lorrain, le Projet de Territoire du Warndt-Naborien (PTWN, 2020) accompagne la fermeture de la dernière tranche charbon de la centrale Emile Huchet par le déploiement de nouvelles filières industrielles décarbonées. Ces dernières y sont présentées comme « une occasion inédite d’engager la relance économique » d’un « territoire vitrine de la transition écologique » (Ibid.). L’objectif poursuivi est donc clairement d’allier décarbonation........

© Alternatives Économiques (Blog)