Les 50 ans du premier traité moderne au Canada : la Convention de la Baie-James et du Nord québécois
« Comparé avec d’autres régions inuites dans le grand Nord, on a bien reçu… mais à quel prix ? » se demande Tunu Napartuk, négociateur adjoint pour l’autodétermination du Nunavik à la Société Makivik, l’organisation inuite qui représente les Inuit du Québec.
Il y a cinquante ans, la Convention de la Baie-James et du Nord québécois a sauvé les Inuit et les Cris du Nord du Québec de l’inondation de leurs terres et de la transformation totale de leur mode de vie. Elle a aussi été le point de départ d’une évolution qui a profondément marqué ces communautés. La convention a été progressivement mise en œuvre, accordant aux Inuit et aux Cris des commissions scolaires, l’accès aux services de santé, une intégration dans l’économie canadienne et bien plus encore.
Cependant, comme le soulignent les leaders communautaires, le coût a été élevé. Dans cet épisode, Tunu Napartuk raconte comment la CBJNQ est arrivée dans une communauté qui, seulement vingt ans plus tôt, avait été forcée de devenir sédentaire. Ensuite, le Grand Chef Paul John Murdoch revient sur la bataille juridique historique et explique comment l’accord continue d’apporter de l’espoir aux Cris d’Eeyou Istchee.
Listen to the episode:
Narration: La Baie James: En 1971, pour la majorité des Québécois, c’est l’inconnu. Pour Robert Bourassa. Cette terre de Kaïn, comme on l’appelle, c’est une terre promise.
Robert Bourassa: Développer l’hydroélectricité, c’est conquérir le nord du Québec!
Ariane Simard Côté: C’était l’ancien premier ministre du Québec, Robert Bourassa. Vous le connaissez sans doute déjà. Dans cet extrait, Bourassa parlait de ce qu’il croyait être l’avenir du Québec. Une immense série de barrages hydroélectriques dans le nord-ouest de la province, connue sous le nom de projet de la Baie James. Dès le départ, Bourassa le qualifié d’historique, le projet du siècle. Et il avait raison. Des terres ancestrales autochtones menacées. Une bataille juridique qui dura des années et une alliance entre les Cris et les Inuits qui, en 1975, a mené au tout premier traité moderne de l’histoire du Canada. Bienvenue à Voyages dans l’histoire canadienne, un balado qui décortique les moments marquants et parfois les vérités dérangeantes de l’histoire de notre pays. Ce balado est financé par Patrimoine canadien et produit par The Walrus Lab. Je suis votre animatrice, Ariane Simard Côté. Voici l’histoire de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois.
Tunu Napartuk: Il y a presque pas de bruit autour du sage du village Kuujjuaq et 3000 personnes. Maintenant, c’est comme le capital administratif de la région. Pis ça prend cinq minutes dans nos communautés de sortir de nos villages.
Ariane Simard Côté: Vous écoutez Tunu Napartuk. Monsieur Napartuk a été maire de Kuujjuaq à deux reprises. Aujourd’hui, il est négociateur adjoint pour l’autodétermination du Nunavik à la société Makivik, l’organisation inuit qui représente les Inuits du Québec. La société Makivik a été fondée en 1978 dans le cadre de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois.
Tunu Napartuk: Il y a presque pas de bruit. Puis on voit un tas qui est presque plat. La plupart. Puis de plus loin tu veux voir ces gestes. l’Environnement, c’est la terre. Il n’y a presque pas de d’arbres et c’est vraiment extrêmement vierge. L’air est pur. Tu peux sentir l’air avec le soleil, et il n’y a rien. Si tu veux aller chasser, vous allez trouver des animaux, mais la première chose que tu sens qui était dans un milieu où il y a personne d’autre, tu es tout seul. Le sens de paix est énorme. Vous pouvez sentir. Tu peux respirer avec beaucoup de paix.
Ariane Simard Côté: Si tu es au-delà du 55ᵉ parallèle, c’est à dire bien au nord, le Nunavik se trouve à 2 h et demie de vol de Montréal. Son immense territoire représente le tiers de la superficie du Québec. Environ quatorze mille personnes habitent le Nunavik. Entre le froid extrême, les rivières gelées, la neige, les caribous et les arbustes. Elles vivent dans quatorze communautés différentes et plus de 90 % d’entre elles sont Inuits, dont beaucoup sont bénéficiaires de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois.
Tunu Napartuk: Si tu y vas pour chasser, vous allez trouver où sont les caribous. Où est-ce qu’on va aller pêcher? Si c’est sur la mer, c’est la chasse au phoque, au béluga. Le caribou est très important. C’est un exemple spécifique qui est très important, qui va nous aider d’avoir les nutritions qu’on a besoin, puis on le mange cru. Ça, c’est le meilleur chose à avoir, un caribou, de le manger cru, voir réfrigéré. Puis ça, c’est le meilleur chose. Parce que, il y a un mille ans, il n’y avait pas de réfrigération ou des poêles pour les cuire. Alors ça, c’est très spécial pour les Inuits. C’est vraiment un mode de vie. On sourit beaucoup. Ça fait à peu près 3000 à 4000 ans qu’on est ici dans la région, et nous, on l’appelle Nunavik.
Ariane Simard Côté: Pendant des milliers d’années, les Inuits du Nunavik ont vécu de manière nomade, suivant les saisons, les animaux, les plantes, les herbes et les baies que leur offraient la taïga et la toundra.
Tunu Napartuk: Chaque famille avait un camp dépendant Le saison. Si c’est hiver, ils sont dans une place où il y a plus de pêche, plus de poissons durant l’été, c’est très proche de la mer, de l’eau. Pour la chasse au phoque, la chasse aux bélugas. C’est vraiment une place où on apprécie l’environnement. Ce n’est pas les humains, ce n’est pas les Inuits qui vont donner la direction de quel genre de journée qu’ils vont avoir. C’est vraiment le temps. S’il fait beau ou à la chasser des fois. Durant le temps de nomade, les hommes chassaient pour plusieurs jours, plusieurs semaines, même des mois. Alors c’était vraiment c’était le mode de vie, la structure de la famille, la façon de faire des responsabilités d’un homme et d’une femme, les enfants. La structure des Inuits a été perfectionnée dans 3000 ans. Puis, tout d’un coup, il y a un autre groupe de personnes qui sont étrangers de notre environnement, de notre mode de vie, sont rentrés puis ont bousculé.
Ariane Simard Côté: Tout a changé dans les années 1950. A cette époque, le gouvernement canadien a forcé les Inuits à devenir sédentaires – un changement drastique qui les a obligés à abandonner le mode de vie qu’ils avaient connu pendant des générations.
Tunu Napartuk: Ont été mis dans des villages parce que le gouvernement voulait avoir une forme de contrôle pour nous supporter. Le changement a été très simple, mais compliqué en même temps. C’est vraiment le gouvernement, un autre groupe de personnes qui nous connaissent pas du tout, qui sont rentrés puis ont commencé à prendre des décisions eux-mêmes sans parler avec les Inuits qui ont l’expérience de ce genre de vie. Puis la première décision, c’était de nous mettre dans des petites communautés dans les villages pour qu’ils puissent avoir plus de contrôle.
Ariane Simard Côté: Après des milliers d’années à vivre de la terre, à suivre leur propre rythme et coutumes, les Inuits ont été forcés de s’adapter, de changer presque tout dans leur mode de vie. Et puis, comme si ça ne suffisait pas, seulement 20 ans plus tard, un autre changement majeur se profilait à l’horizon.
Robert Bourassa [ARCHIVAL]: Le développement de la Baie-James, mes chers amis. Et la clé du progrès économique du Québec.
Ariane Simard Côté: En 1971, le premier ministre libéral du Québec, Robert Bourassa, annonce le projet du siècle. Le Québec avait besoin d’emplois, d’argent, d’énergie. Et pour fournir tout ça, le gouvernement de Bourassa avait un plan. Alimenter le sud de la province grâce aux ressources du Nord. Le développement de la Baie-James commence peu après. Hydro-Québec lance rapidement la construction de gigantesques barrages hydroélectriques. Mais un problème se pose. Ces barrages allaient inonder les terres Inuits et Cris, transformant un paysage jusque-là intact et menaçant ces territoires et peuples ancestraux.
Tunu Napartuk: Dans les années 70, Bourassa a décidé, Oui, on va commencer le projet du Millénium. Pis c’est là. Sans consulter les élus. Puis les Cris, ils ont commencé de vraiment changer notre environnement. Pis l’environnement, c’est c’est chez nous, ça fait partie de notre identité. C’est un mode de vie qui est très, très important. On a besoin de terre, l’environnement, pour nous supporter. Puis quand il y avait un gouvernement qui a décidé tout un coup de changer notre environnement sans nous consulter, on avait besoin d’une voix.
Ariane Simard Côté: Avec les Cris d’Eeyou Istchee, ses voisins, le long de la Baie-James, les Inuits du Nunavik ont entamé une bataille juridique historique. Ils ont contesté le gouvernement du Québec pour obtenir une voix, le soutien du gouvernement, et la reconnaissance de leur droit de vivre sur leurs terres. Le combat a été long et ardu. Il a duré plus de quatre ans avec beaucoup d’embûches. Mais après des années de négociations, les Inuits et les Cris ont finalement réussi à conclure un accord avec le gouvernement. Le 11 novembre 1975, il y a 50 ans, la........
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