La surprenante indépendance des femmes du Moyen Âge : ce que nous apprennent leurs testaments
Dans les villes européennes du début du Moyen Âge, les droits des femmes s’étendent même s’ils sont encore limités. Des cadeaux pour l’Au-delà, des corsages pour les plus pauvres ou des fonds pour la réparation de ponts : les testaments des femmes dans la France médiévale donnent un aperçu surprenant de leur quête d’indépendance.
Dans l’Europe du Moyen Âge, l’image de la femme se résumait souvent en deux mots : pécheresse ou sainte.
En tant qu’historienne du Moyen Âge, je donne cet automne un cours intitulé « Entre Ève et Marie : les femmes au Moyen Âge ». Le but du cours tente d’éclairer sur la façon dont les femmes du Moyen Âge se voyaient elles-mêmes.
Selon le récit biblique, Ève est la cause de l’expulsion des humains du jardin d’Éden, car elle n’a pas su résister à l’envie de croquer dans le fruit défendu par Dieu. Marie, quant à elle, réussit à concevoir le Fils de Dieu sans aucune relation charnelle.
Ces deux modèles sont écrasants. Le patriarcat considère dans les deux cas que les femmes ont forcément besoin de protection, qu’elles sont incapables de se prendre en main ou de se maîtriser, voire qu’elles sont attirées par le mal et doivent par conséquent être dominées et contrôlées. Mais comment savoir ce que pensent les femmes à l’époque médiévale ? Acceptent-elles réellement cette vision d’elles-mêmes ?
Je ne crois pas que l’on puisse totalement comprendre quelqu’un qui a vécu et qui est mort il y a plusieurs centaines d’années. Cependant, nous pouvons tenter de reconstituer partiellement son état d’esprit à partir des éléments dont nous disposons, comme les registres de recensement de population et les testaments.
Les documents datant de l’Europe médiévale à avoir été écrits ou même dictés par des femmes sont peu nombreux à nous être parvenus. Le manuel de Dhuoda et les écrits de Christine de Pisan sont de rares exceptions. Nous avons plus souvent accès à des documents administratifs, comme les registres de recensements ou les testaments. Il s’agit en général de formulaires rédigés dans un jargon juridique ou religieux par des scribes ou des notaires masculins.
Ces testaments et registres de recensement sont l’objet de mes recherches et ils nous ouvrent, même s’ils n’ont pas été rédigés par des femmes, une fenêtre sur la vie et l’esprit des femmes de l’époque. Ces documents suggèrent que les femmes du Moyen Âge disposaient bien au minimum d’une certaine forme de pouvoir pour décider de leur vie – et de leur mort.
En 1371, la ville d’Avignon (Vaucluse) organise un recensement de sa population. Le registre liste les noms de plus de 3 820 chefs de foyer. Parmi eux, 563 sont des femmes – des femmes responsables de leur propre foyer et qui........
© The Conversation
