Du bon usage des vacances
Par une sorte de déformation propre à qui a grandi dans une maison sans livres, j’ai toujours considéré les livres comme quelque chose d’aussi précieux que la nourriture, qu’on ne doit pas gaspiller, et la lecture comme l’art de la faim. Aussi n’ai-je jamais compris ce que pouvaient être des lectures de vacances. S’agit-il, pour qui lit beaucoup, de manger peu (alors, pourquoi ne pas tout simplement jeûner ?), et pour qui ne lit pas, de manger mal (alors, pourquoi ne pas choisir un livre qui nourrit ?).
Quand je pense à mes parents qui ont réussi leur aventure humaine sans livres et presque sans vacances, je me demande pourquoi il faudrait lire ou prendre des vacances. Pourquoi penser plutôt que sentir, se tenir éveillé plutôt que dormir ? Ne pourrait-il pas y avoir des vacances sans construction, de la construction sans travail ? Est-ce que le monde est en train de se détruire par excès ou par manque de pensée ?
Telle est la question que soulève Filippo Palumbo (Le kaléidoscope du néant, Nota Bene) et Jean-Claude Ravet (La nuit et l’aube, Nota Bene) à partir de lectures et d’expériences différentes qui convergent vers une même réponse, celle-là même qu’énonçait Parménide : « La pensée est un surplus de lumière ou d’obscurité. » À première vue, tout sépare ces deux auteurs. Palumbo fréquente « les cavaliers du désastre intérieur » que sont les hétéronymes de Pessoa et tous ces « apôtres de la négativité » qui depuis Nietzsche préconisent « des stratégies d’échec », « une sagesse purgative et purificatrice » qui consiste à guérir les maux en « gardant la plaie à........
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