La mort de l’auteur n’aura pas lieu à l’ère de l’IA
« Ça pue l’IA sur LinkedIn » : ce commentaire, paru récemment dans Les Affaires, illustre un climat de suspicion généralisée. Sur les réseaux, chaque texte est désormais guetté, suspecté d’avoir été « pondu par ChatGPT ». Dans La Presse, on peut lire : « Qu’IA écrit ce texte ? », en constatant que l’IA générative uniformise et robotise l’écriture. Frédéric Kaplan, dans Le Monde diplomatique, notait de son côté la prolifération de tournures rhétoriques homogénéisées qui pullulent sur les réseaux.
Derrière ces réactions, une inquiétude : l’intelligence artificielle ferait disparaître l’auteur en dissolvant son identité dans des automatismes sans âme. Mais la figure de l’auteur n’a jamais été naturelle ni immuable. Elle s’est construite historiquement, a changé selon les époques et continue de se redéfinir aujourd’hui.
Dans l’imaginaire littéraire, être auteur signifie incarner une voix singulière. Depuis la Renaissance et le romantisme, il est associé au génie créateur, capable d’inventer « ex nihilo ». Sa signature confère authenticité et originalité. Barthes, dans La mort de l’auteur, critiquait cette conception qui érige l’auteur en garant ultime du sens, qu’il faut selon lui « tuer » pour libérer l’interprétation du lecteur. Ce modèle continue toutefois de dominer, mais il ne rend pas compte de toutes les pratiques d’écriture.
À cette dimension symbolique s’ajoute une dimension juridique : l’auteur est aussi sujet de droits, possédant et contrôlant son œuvre. C’est le socle du droit d’auteur, qui fonde encore aujourd’hui les débats sur la propriété des........
© Le Devoir
