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Le don des larmes

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15.04.2025

À quel âge nos garçons s’arrêtent-ils de pleurer ? Quand comprennent-ils que, pour appartenir au grand cirque des personnes qui dominent le monde, ils doivent surtout apprendre la maîtrise du sensible et s’opacifier la coque du cœur ? À quel âge la cour d’école devient-elle plus probante que tout ce que nos bras de parents pourraient leur offrir en contenance pour leur fragilité ? À quel moment le genre qui distingue l’espèce humaine selon ce qui sera attendu d’elle impose-t-il sa loi ? Bien avant, il me semble, que les crues hormonales permettent de justifier quoi que ce soit. Encore ont-elles le dos bien large, ces hormones, comme en témoignent plusieurs études, qui mitigent le rôle de la testostérone dans la présence des comportements agressifs chez les hommes.

« Je voudrais pleurer toute une rivière. Je voudrais pleurer, mais j’ai peur de l’eau », nous chantait Piché. Il est bien là, en effet, le résultat d’une lente sédimentation des matières friables qui, à force de s’accumuler autour du cœur des hommes, les rendent apeurés d’eux-mêmes, toujours plus portés vers une projection de leur vulnérabilité sur les autres, sur les femmes de leur vie, bien souvent.

Cette semaine, en regardant le dernier épisode de la fameuse série dont tout le monde parle, Adolescence, c’est ce à quoi j’ai pensé devant ce père qui, enfin, après quatre heures absolument intolérables, pleure !

C’est donc une rivière, un fleuve, un torrent qu’il dépose dans l’oreiller de la chambre du fils, dans ce lit qui nous rappelle que c’est d’aussi loin que de sa propre enfance à lui qu’il pleure ainsi. Le petit garçon brisé, suivant la vaste transmission intergénérationnelle d’une masculinité construite autour de la honte du fragile, se relâche enfin, là où il le faut ; c’est-à-dire ailleurs que sur les épaules ou dans les bras d’une femme, ailleurs que dans la violence ou........

© Le Devoir