Et voici le déluge
En octobre dernier, au moment où Valence était engloutie sous les eaux, je me trouvais juste un peu au nord, en France. Absorbée par la proximité du territoire où se déroulait cette actualité, j’avais passé des heures à regarder dans les yeux l’horreur vécue par des familles entières, prisonnières de leurs voitures voguant à la dérive, tels de petits jouets ballottés par la force du courant. J’avais pleuré en regardant ces enfants, ces vieillards accrochés à la cime des arbres des heures durant ou devant ces actes d’héroïsme entre voisins qui, éclairant les torrents avec leur téléphone, tentaient de lancer des cordes aux humains moins chanceux qu’eux, emportés par les flots.
Il y a de ces images qui nous troublent au-delà de la fascination morbide que nous entretenons pour le tragique et la mort qu’il contient. Il y a de ces images qui nous ramènent à notre fragilité collective devant les forces irrépressibles de cette nature si malmenée. Le renversement du pouvoir est alors total, cruel et sans équivoque : nous sommes si petits, tout humains que nous sommes, devant ce climat qui rappelle qu’il y a des limites à tout, et qu’elles sont depuis longtemps dépassées.
En moi, inévitablement, devant l’insupportable de ces images, se superposait la chanson de Peter Gabriel Here comes the flood : « When the flood comes / You have no home, you have no walls / In the thunder crash / You’re a thousand minds, within a flash ».
Elles me sont revenues aussi, évidemment, ces paroles et toute leur profondeur symbolique, devant les images du Camp Mystic, devant les visages rayonnants des fillettes qui finiront noyées dans les inondations, ces fillettes si semblables à ma fille, si blanches, si blondes, si pareilles, si pareilles.
Et je n’ai pu m’empêcher de faire le douloureux voyage vers l’analyse de mon empathie à géographie variable.........
© Le Devoir
