Ode à la variation linguistique
Le temps doux ramène dans son sillage la bien-aimée rubrique Point de langue, avec pour guide la professeure Mireille Elchacar. La lexicologue québécoise vous invite à penser le français autrement, dans une formule à mi-chemin entre l’essai et la vulgarisation scientifique.
Si on conçoit, d’un point de vue intellectuel, que le français ne peut pas être identique à travers les siècles de son histoire et dans toutes les communautés où il est parlé, on réagit souvent comme si toute différence par rapport à une certaine norme était une déviance, une faute.
Le fait d’être inquiet pour sa langue et d’avoir l’impression qu’elle perd en qualité n’est pas propre au français. Dans son Catalogue des idées reçues sur la langue, Marina Yaguello explique que « dans toutes les sociétés, même celles qui ne connaissent pas l’écriture et les critères littéraires, on porte des jugements sur la langue, sur son degré de correction et de pureté ». Un comportement tout à fait naturel, qui se rapproche des phrases nostalgiques débutant par « Dans mon temps… »
Si le phénomène n’est pas propre au français, ce dernier y excelle. Les autres langues qui connaissent un grand déploiement géographique semblent accepter davantage la variation dans l’espace. Ainsi, peu après la Révolution américaine, Noah Webster estime que les États-Unis, en plus d’avoir leur propre système politique, doivent s’émanciper linguistiquement. Son dictionnaire paraît en 1828. C’est ainsi que les Américains écrivent color, fiber et defense là où les Britanniques écrivent colour, fibre et defence,........
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