Jacques Poulin, une graine dans l’œil
Le cœur dans l’eau, je promène mon chien jusqu’à la librairie Pantoute. Il faut faire confiance aux labradors pour vous rendre le chagrin hors sujet. La disparition de Jacques Poulin me porte tout naturellement vers Jean Dumont, sainte relique d’un Vieux-Québec qui n’existe plus — celui de la Révolution tranquille, dont les romans de Poulin ont fait un mythe littéraire.
Dans la vitrine de la librairie, l’œuvre de VLB — débordante, à sa mesure. Même si je trouve désolante cette affaire de funérailles nationales refusées, je ne peux m’empêcher de sourire. Ça pince, n’est-ce pas ? Parlez-en à Anne Hébert, à Marie-Claire Blais, à Michèle Lalonde, dont les décès n’ont pas plus ému le Protocole du gouvernement — et je ne me souviens pas qu’on ait alors été très nombreux à déchirer notre chemise. Le phénomène est documenté : si les femmes lisent indifféremment du genre, les hommes préfèrent fréquenter leurs semblables, ce qui affecte évidemment l’attribution de reconnaissances publiques. Pour apprécier la grandeur d’une œuvre, encore faut-il l’avoir lue. Oui, il existe des exceptions, je sais, merci. Je parle ici d’une tendance.
On associe souvent l’imaginaire de Jacques Poulin à l’utopie. Jusqu’à son dernier livre, Un juke-box dans la tête (2015),........
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