Ma mère disait toujours
L’autrice est chercheuse et professeure en relations internationales. Son dernier livre s’intitule « Tu viens d’où ? Réflexions sur le métissage et les frontières » (Lux, 2024).
Vendredi dernier, la pédiatre Alaa al-Najjar s’est réveillée comme à l’habitude. Elle s’est habillée pour se rendre au travail, elle a pris son petit déjeuner rapidement. Elle a dit au revoir à ses dix enfants, sauf à bébé Sayden, 6 mois, qui dormait encore à poings fermés. Elle s’est ensuite dépêchée de se rendre au complexe médical Nasser de Gaza, où elle traite des enfants frappés par les bombes israéliennes et l’indifférence internationale.
Quelques heures plus tard, son quartier a été bombardé et les flammes ont envahi sa maison, nourries par l’embrasement d’un entrepôt de pneus situé juste à côté. Sept de ses enfants sont morts calcinés. Deux manquent encore à l’appel, ensevelis sous les décombres. En condition critique, seuls son mari, Hamdi, aussi médecin, et son fils Adam, 10 ans, s’en sont sortis. Hamdi a dû se faire retirer une partie de son poumon droit et a reçu 17 transfusions de sang. Le petit Adam a dû se faire amputer d’une main.
Ma mère disait toujours que quand je serais mère, je comprendrais.
Pourtant, je ne comprends pas comment je pourrais continuer à vivre après la mort de mon bébé. Comment je pourrais me rendre au travail, manger, boire, rester debout, me mouvoir. Je ne comprends pas comment je pourrais continuer de respirer sans étouffer si ma petite fille disparaissait. Je ne comprends pas comment, après avoir pleuré ses enfants démembrés et brûlés vifs, après leur avoir murmuré un dernier « au revoir », Alaa est retournée travailler. Pour aller sauver........
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