Quand la Saint-Jean brûlait
En 1952, pour la Saint-Jean-Baptiste, le maire Camillien Houde trône au milieu de la parade, bien en vue dans sa rutilante décapotable américaine. Le cortège est commandité par diverses entreprises, dont Dupuis Frères, symbole de la petite classe possédante chez les francophones.
La nuit précédente, 19 des 22 chars qui devaient composer le défilé ont été détruits par un incendie criminel. Le défilé a lieu malgré tout le lendemain après-midi, avec des chars improvisés. Ces véhicules célèbrent, selon les organisateurs, la « survivance culturelle », « notre foi », « notre histoire », « notre folklore », « notre drapeau ».
Un enfant de 7 ans, cheveux blonds et bouclés, personnifie Jean-Baptiste, avec son mouton bien soumis. Derrière lui, sur un calicot tendu, on peut lire : « Soyons Canadiens avant tout ». Le maire Houde, de son côté, salue tout le monde. Il est heureux d’être révéré, vu, reconnu.
Ce serpent de maire aime la grandeur des poses impériales, les grâces empruntées, les gestes en majesté. Lorsqu’il meurt, en 1958, ce n’est pas anodin de le voir inhumé, au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, sous une réplique du tombeau de Napoléon, rien de moins. Ce 24 juin 1952, Camillien Houde promène sa vanité coiffée d’un chapeau haute forme au milieu du défilé, planté dans sa limousine. Soudain, il reçoit une volée d’œufs pourris. Le visage du maire se décompose. Comment ose-t-on l’humilier, l’offenser ? La belle illusion d’unité qui préside à pareil défilé patriotique se trouve fissurée. La police arrête un individu de 29 ans. On le conduit manu militari au poste de police. « Les employés en grève de la maison Dupuis Frères sont pleinement responsables de l’incident », déclare la police.
Encore couvert d’œufs, le maire ne fait ni une ni........
© Le Devoir
