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Le retour de George Orwell

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14.10.2025

À Port-au-Prince, on nous avait prévenus : surtout, ne pas aller se balader dans les rues, éviter de sortir de l’hôtel, même en plein jour. Trop dangereux. Des disparitions. Des enlèvements. Une jungle. Et dans une jungle, à moins d’être un gros chat de 300 kilos ou un serpent de 8 mètres, mieux vaut s’abstenir de se promener.

J’étais sorti quand même. Avenue Christophe, je tombe sur la Bibliothèque Monique-Calixte. J’entre. Le monde des livres est toujours fascinant. Comme un cimetière, il nourrit la mémoire des vivants. L’auditorium est archiplein. Je me suis planté dans un coin. Devant, sur le podium, un homme parle. Il donne tout de suite une impression de hauteur. Avec des gestes larges, il s’anime. Il a de l’aplomb. De la prestance. Il possède une fine connaissance de l’histoire. Il parle de classes sociales, des luttes ouvrières. Son propos demande des efforts, mais captive.

Après, je suis allé le voir. « Je m’appelle Raoul Peck », m’a-t-il dit en me tendant la main. « Je suis cinéaste. » J’appris qu’il avait été ministre de la Culture. Il me donna rendez-vous pour me faire visiter les mornes, là où vivent les grandes familles fortunées surplombant une société qui tombe en ruine.

Par une nuit au ciel étoilé, j’ai vu, grâce à lui, défiler des palaces entourés de hautes clôtures barbelées, surveillées par des yeux numériques et des hommes en armes. Cette haute ville ne pouvait offrir contraste plus brutal avec le gros de la population, tombée si bas.

Près de là où je logeais, la rivière était jonchée de déchets. Des........

© Le Devoir