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Claudia Andrieu : « Même les petits rois ne peuvent empêcher la justice de passer »

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12.04.2025

Le procès de l’intoxication au plomb d’ouvriers au château de Versailles, en février, a révélé la personnalité singulière de Claudia Andrieu, épouse d’un menuisier contaminé. Juriste au sein de la succession Picasso, cette femme issue d’un milieu modeste et guidée par des valeurs humanistes, a été pendant seize ans le pivot du combat pour contraindre les responsables à répondre de leurs actes.

Elle a été le grain de sable qui a fait dérailler la machine. Au premier rang, seule femme au milieu du groupe d’ouvriers sur le banc des parties civiles, Claudia Andrieu, dos penché vers l’avant, ne perd pas une miette de ce qui se joue ce 12 février, dernier jour d’audience devant le tribunal de Versailles, qu’elle attend depuis plus de quinze ans. Épouse de Didier Andrieu, menuisier empoisonné au plomb en 2009 avec cinq ouvriers intérimaires sur le chantier de l’Opéra royal du château de Versailles, elle a été celle qui a empêché l’enterrement programmé de ce procès, dont le verdict sera prononcé le 13 mai.

Malgré ces années d’errance judiciaire, orchestrée par la partie adverse, la juriste n’a rien lâché, déjoué les recours en série, surmonté le mur de mépris opposé à « l’épouse d’un simple ouvrier ». Le moteur de cette pugnacité ? Une foi inaltérable dans la justice et des valeurs humanistes transmises par des parents convaincus du potentiel émancipateur de l’école.

Vous avez été en première ligne pour que ce procès ait lieu. Quel a été votre état d’esprit quand il s’est enfin tenu mi-février ?

Mon état d’esprit, c’était l’espérance que justice soit faite. Qu’elle nous reconnaisse comme des victimes et donc qu’elle reconnaisse les prévenus comme des coupables, afin que ce qui est arrivé n’arrive plus jamais. Je connais les difficultés de la justice, et c’est vrai que nous y avons été confrontés pendant ce long combat. Mais, en même temps, les procès sont faits pour renforcer les droits des victimes.

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Un procès ne doit jamais être une vengeance. C’est un espace où l’on doit débattre des choses essentielles. Ici, en l’occurrence, il s’agissait d’un dossier pénal, où il était question de violations de la loi, de mise en danger de la vie d’ouvriers. Le moment était enfin venu de faire le bilan de ce qui a dysfonctionné et des raisons de ces dysfonctionnements : autant les juges que la procureure étaient dans cet état d’esprit. Pour ce qui est des prévenus, en revanche, ce n’était pas le cas, puisqu’ils ont tous demandé la relaxe, s’estimant innocents des faits qu’on leur reprochait.

Avez-vous été surprise par le fait que tous les prévenus se renvoient la balle ?

Je n’ai pas été surprise par leur défense, parce que j’ai eu affaire à eux dès le moment où nous avons découvert l’empoisonnement de mon mari et de ses collègues. Je les ai contactés un par un : le maître d’ouvrage, le maître d’ouvrage délégué, le maître d’œuvre, le coordonnateur sécurité, les entreprises… Les réponses........

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