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Exploitation illégale, accidents mortels… En Amazonie, sur la piste des forçats du bois

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01.06.2025

Situé au cœur de l’Amazonie, l’État de l’Amapa (Brésil) est grand comme l’Hexagone. Là-bas, les ouvriers de la forêt sont de plus en plus nombreux à défendre une gestion durable de celle-ci, tandis que d’autres sont toujours sous l’emprise des groupes criminels, au service de l’exploitation illégale du bois. Pour en savoir plus sur ce conflit entre travail formel et informel qui gangrène la société amazonienne, plusieurs syndicalistes sont allés à leur rencontre.

Amapa (Brésil), envoyé spécial.

Deux pick-up d’un blanc immaculé arpentent les rues de Macapa, capitale de l’État de l’Amapa, au nord du Brésil. À leur bord, six syndicalistes ont parcouru des milliers de kilomètres à la rencontre des travailleurs de la forêt amazonienne. Deux Brésiliens, deux Français, un États-unien et un Belge sont du voyage. Le convoi s’arrête à l’orée d’une ruelle au sud-est de la ville, à quelques encablures du plus grand fleuve au monde, l’Amazone. Ici, sept familles contrôlent tout un tas d’entreprises. Déclarées, certaines disposent d’une licence du ministère de l’Environnement brésilien. La marchandise qui y est exploitée, elle, n’a rien de légale. Du bois.

À notre arrivée, des ouvriers s’attellent dans les granges. Ils transfèrent de lourdes planches tout juste livrées par bateau, de l’Amazone vers les ateliers. La plupart œuvrent sous une chaleur harassante, à mains nues, en claquettes, sans même se protéger les voies respiratoires de la sciure de bois. L’odeur qui se dégage de ces entrepôts informels prend au nez. Les regards suspicieux fusent. Nous ne sommes pas les bienvenus. « Ils nous prennent pour des environnementalistes qui cherchent à détruire leur production », explique Carolina Dantas, secrétaire de l’Office du climat et des forêts de l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB) pour l’Amérique latine et les Caraïbes.

Un membre de la délégation s’avance. Oseias Cardoso Nascimento, syndicaliste du coin qui milite pour mettre fin à ces exploitations clandestines, tente d’établir le dialogue avec eux. Il nous fait passer pour de potentiels acheteurs, à la recherche de bois domestique. Celui-ci n’est pas certifié, bien qu’utilisé dans tout le pays pour la confection de charpentes, de toits et d’échafaudages. Des piles de bastaings, entreposées à même la terre rouge. Après quelques échanges, nous rebroussons finalement chemin.

Ces sociétés, d’apparence tout à fait licites, illustrent le conflit qui règne dans la vaste Amazonie, où la légalité flirte avec l’illégalité, au point qu’il est parfois difficile de distinguer l’une de l’autre. Le bois illégal est présent partout, même en Europe. En ville, un patron de supérette, ami d’Oseias, reconnaît lui-même s’en servir pour produire des bennes de camion : « Tout le monde fait ça, ce n’est un secret pour personne ».

Sous la canopée, une myriade d’activités criminelles déforeste sans sourciller et parasite les efforts des habitants, soucieux de préserver leur habitat. L’Amapa en est gangrené, bien que

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