Le vent du sud souffle sur nous
Kim Thúy a raison. Quelque chose a changé au pays qui n’est toujours pas un pays, qui promet un autre référendum, qui aspire encore une fois à devenir grand. Sauf que la grandeur a quitté les officines du parti qui porte ce projet le jour où Jacques Parizeau — par une phrase assassine qui retentit encore chez ceux qu’elle a atteints — a tracé une ligne qui sépare le vote ordinaire du vote ethnique. Un détail historique qui a réjoui les purs et durs de l’époque — qui n’y ont vu que le feu de la vérité (« enfin un premier ministre qui se tient debout ! ») — même si dès l’aube, le lendemain, « Monsieur » quittait la gouvernance du pays avorté dans un torrent d’amertume.
Je me souviens de ce 31 octobre 1995 comme si c’était hier. Un matin d’Halloween qui n’avait rien d’une fête masquée alors qu’une collègue d’origine rwandaise — trop fière d’avoir voté pour le Oui — m’a juré que « nous » n’aurions plus jamais son vote. Dans un excès de colère qu’elle arrivait mal à dissimuler, elle s’était d’emblée exclue de ce « nous » et je me souviens encore de la peine que j’avais ressentie. Non seulement la défaite serait dure à avaler, mais je la vivrais sans elle et sans tous ceux que cette phrase malheureuse avait heurtés.
Il était loin, dès lors, le jour où le........
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