Kim Thúy, et toutes celles et tous ceux que nous n’entendons pas
Nous sommes des enfants de réfugiés cambodgiens, laotiens et vietnamiens qui, comme Kim Thúy, ont traversé mers et continents pour trouver refuge au Québec. Nous nous sommes sentis profondément interpellés par les réactions épidermiques récentes aux propos de l’écrivaine, qui dit avoir « mal à son Québec » et même songer à le quitter.
Nous sommes choqués de voir sa prise de parole sincère accueillie avec dénigrement. Kim Thúy parle d’une peine d’amour, on lui répond avec un procès d’intention. Elle se sent mise à l’écart en raison du climat social clivant, on la traite de privilégiée ingrate. C’est précisément ce type de réaction qui donne raison à ses inquiétudes.
Ses déclarations dérangent parce qu’elles brisent l’image attendue de la réfugiée des boat people reconnaissante et tranquille, qui louange la générosité des Québécois, encore et encore. Elle sort de son rôle de « petite immigrante modèle », que trop souvent on lui assigne.
À l’image de Kim Thúy, trop de personnes immigrantes, qu’elles soient connues ou non, paient un fort coût pour avoir simplement pris la parole. Ce n’est pas parce que le Québec a accueilli nos familles que nous devons nous taire. Sommes-nous condamnés à nous faire petits au nom d’une dette envers le Québec à vie ? Prendre la parole, nommer les injustices, poser un regard critique ne fait pas de nous de mauvais ou de moins bons immigrants, au contraire. Ainsi, il faut saluer le........
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