Novembre nous prend la voix
Novembre est arrivé dans la clinique. « Il nous prend la voix », peut-être, comme l’écrivait Jacques Brault, ou alors il nous fait entendre avec un peu plus d’insistance le son de nos douleurs anciennes. Nos fractures mal guéries accueillent l’humidité du jour, faisant grincer jusqu’à nos consciences le récit étouffé de leur histoire, les fractures du cœur étant toujours les plus lentes à guérir.
Chaque année, ce mois fait pression sur la clinique, telle une grippe prenant d’assaut les salles d’urgence en plein janvier. Comme si les défenses dans lesquelles on s’était drapés pour affronter l’année se décrochaient une à une. Novembre a cette tendance à faire de nous des arbres soudain dépouillés de leurs couleurs, tenant debout quand même, dans cette suspension qui se prépare à l’avalanche.
L’hiver s’installe d’abord en nous par ce changement d’heure qui semble imprimer à nos traits les draps du lit de manière plus profonde au premier lundi qui suit. Au soir, nous verrons pour la première fois de l’année le cabinet inondé par la lumière jaunie des lampes, pour la dernière consultation, avant de marcher sous la fin du jour tombée si tôt, si tôt dans l’année. Déjà ? Novembre a cette tendance à modifier notre présence au monde, sans qu’on y consente encore tout à fait, nous qui avons tant désappris à honorer le silence épais dont il se drape, la baisse d’activité qu’il réclame, la mélancolie qu’il charrie avec lui, tel un rappel qu’il y a encore, oui, en nous, de ces absences qui nous perforent l’être.
Je me demande souvent si les dépressions de novembre ne sont pas faites de tous ces appels, trop longtemps ignorés, de nos si grands besoins de baisser la lumière performative de nous-mêmes, de quitter les feux de la rampe et du dehors, pour aller trouver........



















































