«Je m’appelle Mohamed, je suis Québécois et je vous…!»
Très jeune, j’ai compris que dans mon rapport à l’autre, si je voulais me forger une identité qui m’appartienne vraiment, jamais je ne devais laisser son regard définir qui je suis. L’autre, c’est mon frère, mon cousin, mon voisin, mais aussi « l’étranger » qui m’ouvre sa maison, son pays, sa cabane. C’est pourquoi il m’est arrivé souvent de devoir poliment remettre ce regard à sa juste place.
Non pas pour le mépriser ni pour l’ignorer, mais pour rappeler que l’identité ne se forge pas essentiellement dans la validation extérieure. C’est un exercice délicat, presque une discipline : savoir accueillir l’autre, recevoir ce qu’il a à offrir, offrir en retour ce que je peux, sans jamais lui céder le pouvoir de me nommer.
Dans cet équilibre entre ouverture et accueil s’est construite ma manière d’exister parmi les autres, sans me passer d’eux et sans me perdre en eux.
« Je m’appelle Mohamed, je suis québécois et je vous emmerde ». La dernière fois que j’ai entendu cette phrase, j’étais dans un taxi, à quelque 5000 kilomètres du village québécois Hérouxville, dans un pays musulman.
Accompagné de mon fils, j’ai souvent pris des taxis dans ce pays et j’ai rarement échappé aux sermons des chauffeurs barbus qui trouvaient inconcevable que mon fils de 23 ans ne parlait pas couramment l’arabe et ne connaissait pas suffisamment la religion de son père. Aux yeux de certains, c’était une faute morale : ne pas lui transmettre l’arabe et la religion, c’était le condamner à la perdition. Alors, avec le sourire, je mettais fin au prêche par une réplique que........
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