«Avec amour et rage, toujours»
Vous n’y avez peut-être pas porté attention parce que — au choix — l’Australie se noie, le Manitoba brûle et le nord de l’Europe se dessèche, mais le harfang des neiges, symbole du Québec, a été déclaré espèce menacée la semaine dernière dans l’indifférence générale. La biodiversité perd des plumes.
Malgré tout, quelques braves sont prêts à monter au front pour défendre cette majorité silencieuse, le vivant, les harfangs, les bélugas, les abeilles et le fleuve Saint-Laurent qui ne risquent pas de poursuivre François Legault ou Mark Carney pour leur inaction climatique et l’écocide qui se joue actuellement.
On nous parle plutôt pipelines et croissance de manière fort décomplexée tandis que le voisin jappe « drill, baby, drill ». Et 55 % des Québécois y sont favorables…
Des activistes sont prêts à faire de la prison pour empêcher ça et à traîner un casier judiciaire dans leur CV. J’ai voulu rencontrer ces « délinquants » qui ont été condamnés le mois dernier. On pourrait aussi les qualifier d’idéalistes, d’enverdeurs d’extrême gauche, de jusqu’au-boutistes radicaux. Ou de pogos les plus dégelés de la boîte avec des maîtrises en géographie ou en gestion de l’environnement.
Si ces « délinquants » pacifiques peuvent vous citer Platon (sur les inégalités) et La Béotie (sur la servitude volontaire), parler de fenêtre d’Overton (googlez ça), si les empêcheurs de dormir au gaz ont ce panache, je veux les écouter.
Si certains peuples peuvent dire qu’ils sont le peuple du caribou ou le peuple du poisson blanc, parce qu’ils vivent de ces animaux, nous, les industrialisés de tout acabit, nous sommes le peuple des explosifs. Et on est en train de se faire sauter.
Au lieu d’être évachés devant Netflix le vendredi soir, ils escaladent des grues de chargement de 65 pieds de hauteur dans le port de Montréal ou le pont Jacques-Cartier pour attirer notre attention sur le vivant qui fout le camp et le pétrole qui nous englue. Chacun son sport.
La désobéissance civile ne date pas d’hier. La raison de l’intervention qui a paralysé le commerce du pétrole brut durant 22 heures s’appelle Enbridge. C’est sur le terminal Valero, dans le port de Montréal, que ces activistes de l’action directe © Le Devoir
