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Le pape des fous

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13.05.2025

Au Moyen Âge, le gros du corps social se lançait, à intervalles réguliers, dans le tourbillon de fêtes des fous. Elles conduisaient à élire un pape de carnaval. Dans Notre-Dame de Paris, Victor Hugo présente Quasimodo. En raison de sa laideur, il est élu au milieu de pareilles réjouissances.

Ce spectacle carnavalesque monte de la rue. La haute société l’observe, sans s’inquiéter, bien campée sur sa position en surplomb. « Aux portes, aux fenêtres, aux lucarnes, sur les toits fourmillaient des milliers de bonnes figures bourgeoises, calmes et honnêtes, regardant le palais, regardant la cohue, et n’en demandant pas davantage ; car bien des gens, écrit Hugo, se contentent du spectacle des spectateurs. »

Dans Le temps des bouffons, le pamphlet décapant de Pierre Falardeau, le cinéaste présente des images de Jean Rouch, un documentariste qu’il appréciait. Dans Les maîtres fous, un film tourné au Ghana en 1955, Rouch s’intéresse aux membres d’une secte, les Haukas. Comme le monde autour de Quasimodo qui défie symboliquement l’ordre établi, les Haukas reproduisent dans une caricature le système qui les domine, tandis que les puissants, de loin, les regardent, amusés.

En mimant ceux qui contrôlent leur vie, les Haukas se travestissent en figures du pouvoir pour mieux exorciser leur domination. Le feu, la fureur, la possession : tout y est, comme si ces performances leur donnaient un instant le sentiment d’être des dieux. Mais ce rituel n’abolit pas l’ordre social. Il ne fait que le rejouer, à l’envers, une fois par an. À cette occasion, les fous sont........

© Le Devoir