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En attendant le vouvoiement

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06.05.2025

Prenez une grenouille. Lancez-la dans l’eau chaude. Par réflexe de survie, elle bondira pour se sortir de là. Reprenez la même grenouille. Cette fois, placez-la doucement au fond d’une casserole, dans de l’eau froide. Faites frémir l’eau lentement, à feu doux. Sans broncher, sans s’énerver, sans bouger, la grenouille se laissera cuire, jusqu’à en mourir.

Nous oscillons, sans trop nous en rendre compte, entre ces deux comportements. Parfois prompts à réagir, parfois passifs face au danger. Ce n’est sans doute pas un hasard si, dans les fables, la grenouille incarne tantôt un prince, tantôt un idiot. La vérité est qu’entre les deux, rien n’est jamais parfaitement tranché. « You’re a frog, I’m a frog, kiss me », chantait Charlebois. Et après ? Cela dépend de nous. « Nous naissons tous fous », écrit Samuel Beckett dans En attendant Godot. « Quelques-uns le demeurent. »

Au temps où j’étais étudiant, nous rêvions de pouvoir publier dans les journaux. Il n’était pas question encore des réseaux sociaux. J’aspirais à écrire dans La Tribune de Sherbrooke. Un excellent ami, plus dégourdi, s’était dit que, tant qu’à faire, autant viser Le Devoir. C’est ainsi qu’il avait réussi, lui, à y faire paraître son analyse du Québec contemporain, envisagé sous l’angle d’En attendant Godot. C’était en 1992. La pièce était alors présentée dans une mise en scène du grand André Brassard.

Que disait mon camarade ? D’abord, que nous nous leurrons au sujet de nos dirigeants qui aiment tant se présenter en fins stratèges cultivés, autrement dit en lecteurs patentés du Prince de........

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