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Mort de Jean-Marie Le Pen : antisémite, tortionnaire et patriarche de l’extrême droite

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08.01.2025

Le dirigeant pendant quarante ans du Front national, qu’il a fondé et légué à sa fille Marine, est mort à l’âge de 96 ans. Son parcours, commencé dans les exactions des guerres coloniales, se confond avec une entreprise de haine dont l’héritage continue d’empoisonner la société française. Anticommunisme, xénophobie et antisémitisme ont été ses leitmotivs sa vie durant, lui valant procès et condamnations qui ne l’ont pas empêché de prospérer en politique, le coup de tonnerre du 21 avril 2002 marquant l’apogée de sa carrière.

Il va être enterré par une famille politique aux portes du pouvoir. Jean-Marie Le Pen, décédé mardi 7 janvier à l’âge de 96 ans, aura longtemps survécu à son éviction du Front national par sa propre fille, puis au changement de nom du parti auquel son destin s’était intimement lié. Dans la société française autant que dans le monde politique, parce qu’il aura su – un temps – rallier à sa flamme l’essentiel des chapelles de l’extrême droite, il laisse un héritage empoisonné.

Né en 1928 à La Trinité-sur-Mer (Morbihan), Jean, Louis, Marie Le Pen est « pupille de la nation » en 1942, après le naufrage de son père, patron pêcheur, à bord d’un bateau ayant heurté une mine. Premier écueil, premier mensonge : la famille Le Pen prétend faire graver le nom de Jean sur le monument aux morts du village. « Mort pour la France » ?

À en croire le témoignage d’un marin survivant du naufrage, publié dans le Canard enchaîné en 1992 et corroboré en 1994 par le livre Le Pen, de Gilles Bresson et Christian Lionet (Seuil), il bénéficiait d’un « ausweis » pour ravitailler Le Rouzic, un restaurant réquisitionné par les Allemands, et aurait sauté sur une mine française ou anglaise. Qu’importe, sa vie durant, Le Pen utilisera cette légende, et d’autres qu’il aura forgées, au service de son image de Français moralement et politiquement intègre. Ce que son parcours en politique démentira.

Après des études secondaires mouvementées, baccalauréat en poche, il entre à la faculté de droit de Paris en 1948, où il croise la route de l’Action française, et représente la « corpo » de droit dans la « grande » Unef au début des années 1950. Très vite, il opte pour l’action politique, sans intégrer encore de parti. Après ses études (licence en droit et diplôme d’avocat), il fait six mois de préparation militaire à l’école d’application de l’infanterie de Saint-Maixent (Deux-Sèvres) avant de s’engager en Indochine. Il y débarque en 1954, dans le 1er bataillon étranger de parachutistes, au grade de sous-lieutenant. De retour en France en 1955, il est élu président des Jeunes indépendants de Paris. Commence alors une longue carrière politique dans les diverses écuries de l’extrême droite.

Colonialisme. OAS : trois lettres chargées de malheur

Le Pen débute chez les « marchands de saucisson » de l’Union de défense des commerçants et artisans (UDCA) de Pierre Poujade, qui le fait élire au Palais-Bourbon en 1956 sur les listes Union et fraternité française (UFF). Il accole alors son second prénom Marie au premier pour « séduire l’électorat catholique ». Entre 1956 et 1962, il navigue entre l’UDCA, le Mouvement national et civique d’action sociale, l’UFF, fonde le Front national des combattants (dissous en 1961), le Front national pour l’Algérie française (également dissous en 1960). Une fidélité à l’empire colonial jamais démentie : en 1961, il fait applaudir

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